7 missions chirurgicales avec Médecins Sans Frontières
Dr Michel Sauer
En 2015, lors de son passage à la retraite, après une longue carrière de chirurgien, le Dr Michel Sauer fait le choix de s’engager avec MSF pour « rester utile et servir ». Pour nous, il revient sur son expérience et ses motivations. Que ce témoignage soutienne notre prière
« Pour les médecins et humanitaires présents dans les zone de combat qui risquent leur vie pour sauver celle des autres. »
Pourquoi, quand et comment ?
« Spécialiste en chirurgie thoracique et cardio-vasculaire, j’ai reçu, comme tous les chirurgiens des années 1980, une formation généraliste. Après 33 ans de pratique de chirurgien sénior, j’ai décidé de prendre ma retraite fin 2012, à 63 ans, principalement pour raisons de santé. Rapidement, la forme physique revenue, ‟le virus chirurgical” a récidivé et je me suis rapproché de Médecins Sans Frontières pour tenter de rester utile et de mettre ma longue expérience au service de ceux qui en ont le plus besoin.
Après examen de mon curriculum vitae et plusieurs entretiens au siège de MSF à Paris, une première mission en Afrique noire m’est confiée. Avec mon épouse, nous étions partis au Cameroun pour 15 mois, en 1974, au titre de la Coopération. Médecins dans un hôpital de brousse, nous y avons connu des moments inoubliables (naissance de notre première fille à Yaoundé entre autres) et sommes restés africains dans l’âme.
Je pars donc pour 5 semaines en Juillet 2015 à Bangui (République Centrafricaine). J’y trouve un pays dévasté par la pauvreté, la corruption, les luttes ethniques ou religieuses -185ème sur 186 pays à l’Index de Développement Humain de l’ONU en 2013-. En Mars 2016, seconde mission pour 6 semaines en RDC (République Démocratique du Congo – Province du Nord Kivu) -186ème sur 186 pays à l’IDH-. Lors de ces deux premières missions, l’activité chirurgicale est intense avec une bonne dizaine d’actes majeurs chaque jour et souvent la nuit, centrée sur les infections graves et/ou généralisées (abdomen, membres).
Ces deux premières missions se déroulent favorablement pour MSF comme pour moi. MSF me propose alors une formation spécifique à la chirurgie de guerre, organisée à Londres. Une semaine intense avec des cours théoriques et pratiques où j’apprends à gérer correctement les traumatismes de guerre et tout particulièrement les plaies par balles de l’abdomen et du thorax, de la tête, des vaisseaux …
A la suite de cette formation, j’effectue deux missions de guerre, d’abord au Yémen à Aden en décembre 2016 puis, en Juin 2017 en Iraq à Mossoul-Ouest au moment de l’offensive finale contre l’État Islamiste. A Mossoul, notre mini-bus MSF essuie un tir : une balle traverse la voiture et me frôle à 20 cm. Je ressens cette chance comme une preuve que mon heure n’est pas encore venue et plutôt comme une incitation à continuer mon action avec MSF…
Cependant, je sollicite une prochaine mission moins dangereuse. Je pars donc pour l’Arménie début 2018 afin d’y opérer, avec une équipe locale, de jeunes patients porteurs de lésions tuberculeuses pulmonaires. Il s’agit d’une chirurgie « réglée » qui facilite le retour des opérés à une vie exempte de complications graves et qui me permet de renouer avec ma spécialité.
S’enchaîneront ensuite deux retours en pays « instables », à Aden en Juin 2018 et au Congo en Janvier 2019. »
Retour sur expérience
« Malgré les risques, malgré des moments de grande tension face aux horreurs auxquelles nous sommes souvent confrontés, de telles missions m’ont permis de transmettre et de partager une expérience professionnelle, de faire des rencontres humaines passionnantes et enrichissantes, que ce soit auprès des membres de MSF ou auprès des populations locales côtoyées.
J’y ai acquis une meilleure perception de la triste réalité de notre monde et j’ai tenté d’être fidèle, au mieux de mes possibilités, à l’enseignement de notre Christ Jésus.
Comme beaucoup de mes collègues, il a pu m’arriver de penser parfois, opérant à 2 heures du matin un cas très difficile dans un bloc opératoire au fin fond de nulle part ‟ Que suis-je donc venu faire dans cette galère ? ”. Pourtant, les expériences humaines vécues sont tellement passionnantes que, très rapidement après notre retour, la question que nous posons est ‟Où et quand est-ce que je repars ? ” »
Dr Michel Sauer
Pour l’équipe du Réseau de Prière du Pape – France