A travers les voix du dialogue, Jésus montre la voie du salut
Père Arnaud Franc, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en FranceEn ce mois de juillet, « prions pour que, dans les situations sociales, économiques et politiques conflictuelles, nous soyons des créateurs courageux et passionnés de dialogue et d’amitié ».
Cette intention de prière cherche à mettre en œuvre les intuitions du pape François inscrites dans Fratelli tutti ! Occasion pour nous de se (re)plonger dans ce texte de référence qui indique pour l’Église d’aujourd’hui le chemin à parcourir, celui de « la fraternité et de l’amitié sociale ».
En méditant le numéro 203, nous y reconnaitrons l’itinéraire des apôtres, et donc de tous les chrétiens, appelés et formés par Jésus à devenir dans un monde en crises « des créateurs courageux et passionnés de dialogue et d’amitié ».
Pas 1 – S’accueillir les uns les autres

« Le dialogue social authentique suppose la capacité de respecter le point de vue de l’autre en acceptant la possibilité qu’il contienne quelque conviction ou intérêt légitime. De par son identité, l’autre a quelque chose à apporter. » (Fratelli tutti 203)
Quand Jésus appelle les apôtres, il en choisit douze. Non pas onze ni même treize mais douze. Comme les douze tribus d’Israël. Or, nous avons parfois tendance à oublier qu’avant d’être des tribus, ce sont des frères.
Jésus veut donc des frères. Ainsi, les deux premières paires sont des frères : André et Simon puis Jacques et Jean. Mais très vite, ce ne seront plus les liens du sang, sinon celui du Christ, qui uniront les Douze. Après des pêcheurs réputés, Jésus appelle un banquier mal famé. La liste se rallonge et se complète en se diversifiant tant par les origines que par les caractères.
Si l’Évangile est un mystère, c’est celui des Douze qui n’auraient jamais dû se rencontrer ni même vivre ensemble, mais qui finissent par s’accueillir et par découvrir dans l’adversaire un collaborateur, dans l’ennemi un ami, dans l’étranger un frère.
C’est parce qu’ils se sont accueillis les uns les autres que les apôtres ont pu s’ouvrir à tous et qu’ils ont pu surmonter les épreuves et les siècles. Car si nous sommes aujourd’hui chrétiens, c’est grâce à eux. C’est d’eux que nous tenons la foi, parce qu’ils ont su tenir ensemble dans la foi. Le mystère des Douze, c’est le nôtre. Celui de l’Église parce qu’il est au cœur de toute la famille humaine.
Ai-je expérimenté dans ma vie ces rencontres improbables, qui n’allaient pas de soi ? Comment ai-je reçu ces rencontres : comme un obstacle à éviter ou comme une opportunité à embrasser ?
Comment puis-je accueillir le choix de l’autre, en reconnaissant qu’il est aussi choix de Dieu ?
Pas 2 – Écouter le plus petit

« La discussion publique, si elle accorde véritablement de l’espace à chacun et ne manipule ni ne cache l’information, est un tremplin permanent qui permet de mieux atteindre la vérité, ou du moins, de mieux l’exprimer. » (Fratelli tutti 203)
Dans l’Évangile, nous voyons souvent les apôtres rabrouer les personnes qui veulent parler à Jésus ou qui désirent le toucher. Pourquoi ? Peut-être parce qu’ils sont tout simplement fatigués de voir tant de monde accourir vers leur maître avec des tas de questions et de problèmes difficiles à résoudre. Cela ne devait pas être évident à porter ni même à supporter. Ou bien parce que, plus profondément, ils sont convaincus qu’ils y « arriveront » tous seuls. Rabrouer la foule serait alors une manière de lui barrer la route pour qu’il n’y ait finalement plus que les Douze autour de Jésus.
Dans nos vies, tant au niveau mondial qu’au niveau personnel, que ce soit en politique, dans le social ou dans l’économie, quand on cherche à barrer la route de l’autre et qu’on ne lui laisse aucun espace, c’est bien souvent parce qu’il nous fatigue ou parce que nous croyions faire mieux sans lui. C’est alors que naît le conflit.
Jésus, lui, laisse toujours la place aux autres, surtout aux plus petits. Il ouvre un espace à ceux qui ont la bouche, les yeux et les oreilles fermés. « Laissez venir à moi les petits enfants » (Mt 19, 14).
C’est ce qu’il fait aussi avec les apôtres, par exemple à l’heure critique de la multiplication des pains. Jésus ne peut restaurer la foule qu’en instaurant le dialogue avec les apôtres. « Où pourrions-nous acheter du pain ? » leur demande-t-il, comme si en osant leur poser des questions, il leur ouvre les yeux et les éveille au courage. « Il y a là un jeune garçon, répond André, qui a cinq pains d’orge et deux poissons » (Jn 6, 5.9)
Jésus montre aux Douze combien, même au cœur de la crise, il faut savoir écouter les cris, ne pas en avoir peur, ne pas s’en éloigner mais libérer la parole et se pencher vers les plus petits et vers ce qu’il y a de plus petit en nous, car la solution est souvent non pas à l’extérieur mais à l’intérieur du conflit. A travers les voix du dialogue, Jésus montre la voie du salut. Celle qui parvient à nourrir les échanges, aussi arides soient-ils en apparence !
Comment puis-je libérer davantage les espaces de paroles dans tous les niveaux de ma vie, spécialement quand le conflit surgit ? Comment est-ce que je me nourris de la parole de l’autre ?
Comment aussi j’écoute et aime « l’autre », « le petit » qui est en moi ?
Pas 3 – Servir ensemble

« Soyons persuadés que les différences sont créatrices, elles créent des tensions et dans la résolution d’une tension se trouve le progrès de l’humanité ! » (Fratelli tutti 203)
Au commencement, Dieu crée en séparant tout en unissant. Il sépare le ciel et la terre, la lumière et les obscurités, les eaux du dessus et les eaux de dessous, etc. Mais c’est mystérieusement à travers tous ces différents « couples » de chaque jour que Dieu laisse voir la beauté de sa création aux couleurs si variées mais à l’harmonie si parfaite. Et pour couronner le tout, le couple de l’homme et de la femme, si différents l’un de l’autre et pourtant faits l’un pour l’autre. Une fois leurs différences mariées, le miracle s’accomplit. C’est la vie !
Les apôtres seront eux aussi envoyés « deux par deux » dans le monde. Pierre et Paul en sont l’icône la plus rayonnante. L’un appelé auprès des juifs, l’autre auprès des païens. Mais cela ne s’est pas fait sans tensions ni incompréhensions, comme déjà autour de la table pascale où Jésus s’était retrouvé au cœur de nombreuses tensions, rejeté par les anciens, trahi par l’un des douze, délaissé par ceux qui se querellaient pour savoir qui était le plus grand (Lc 22, 24).
Quand les conflits et la concurrence surgissent, Dieu y dépose la passion pour la communion et la complémentarité. Bien plus, il tisse une amitié par sa parole, une amitié non pas repliée sur elle-même mais ouverte à tous, au service de tous ! « Je vous appelle mes amis car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître… afin que vous alliez et que vous portiez du fruit. » (Jn 15,15-16).
Aux apôtres d’aujourd’hui comme d’hier, Jésus indique quelle est l’issue à toutes les impasses : l’amitié dans le dialogue et le service commun dans l’amour. Même si cela est crucifiant, Jésus porte sur la croix la passion du dialogue et du courage jusqu’au bout. Jamais, il ne rompra le dialogue, même s’il se retrouve au milieu de ceux qui se déchirent.
Dans la vision de l’Apocalypse, les apôtres trônent au cœur de la Ville. Ils sont donc pour nous des exemples qui nous rappellent que c’est possible d’être ou plutôt de devenir au cœur de ce monde « des créateurs courageux et passionnés de dialogue et d’amitié » ! C’est un chemin de croix, de foi mais aussi de joie !
Comment puis-je cultiver avec courage nos différences avec un regard non pas de concurrence mais de complémentarité ? Comment nourrir ma passion pour le dialogue ?
Quels sont mes dons mais aussi mes failles dans l’amitié ? Comment Jésus sur la croix peut-il devenir pour moi un maître du dialogue, de l’amitié et du courage ?
Père Arnaud Franc, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France