Au-delà du soin, il y a la rencontre
Bernard Loulimbé, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France
Bernard est infirmier. Il a fait le choix de ce métier qui permet de prendre soin des autres. A la naissance de leur première fille née porteuse d’un handicap autistique, il décide, en accord avec son épouse, de s’installer en libéral pour mieux accompagner sa famille et les patients.
Pouvoir donner du temps aux malades
J’organise mes journées de travail en partie comme je le souhaite ; je détermine la charge de travail que je peux accepter pour être en accord avec mes valeurs pour ma famille et pour mes patients. L’amplitude horaire diffère chaque jour ; il faut une grande disponibilité, de l’écoute, et de l’organisation pour ne pas mettre la vie de famille en danger. A domicile j’interviens principalement auprès de personnes âgées. Prendre le temps est essentiel. Au-delà du soin, il y a une rencontre, un partage de vie. Il arrive parfois que je sois considéré comme faisant partie de la famille, celui avec qui il devient possible de partager des confidences.
Redonner sa dignité à chaque malade
La maladie ramène à l’essentiel ; cela se vit pour certains dans une attitude d’ouverture et pour d’autres dans un repli sur soi. Le malade peut avoir le sentiment de ne plus avoir d’emprise sur le réel, sentiment que certains vivent comme une perte de dignité. « Je ne vaux plus rien… » Alors par le regard, l’attention, la qualité relationnelle lors d’une toilette par exemple, par l’évocation de moments de leur histoire, je tente de leur restituer un peu de dignité.
Il y a quatre ans j’ai fait une formation en hypnose que j’utilise en complément des autres traitements pour la gestion de la douleur ; c’est aussi un outil qui me permet de leur apporter de la douceur en proposant de la relaxation et un meilleur ancrage dans le présent.
Parfois l’attente d’une parole plus profonde
Les interrogations sont nombreuses pour le malade comme pour le soignant. Se confronter à la souffrance physique n’est déjà pas facile, mais la souffrance existentielle me ramène souvent à l’inépuisable question du sens de la vie et de la place de Dieu. Les moments de doute sont nombreux même si ma foi reste une ressource importante qui m’oblige à rechercher l’espoir dans chaque instant où la vie est encore là.
J’essaie que le moment passé avec le malade soit agréable ; faire rire, raconter des histoires, échanger sur leur vie, leur famille, tout ce qui a construit leur existence… C’est dans cet échange mêlé aussi de silences, de regrets et parfois de pleurs, que j’arrive à déceler l’attente d’une parole plus profonde. Avec délicatesse, nous nous écoutons et il nous arrive parfois de nous dire ce en quoi nous croyons. Souvent c’est l’occasion pour certains de me confier pourquoi ils se sont éloignés de l’Église tout ayant gardé la foi.
Je repense aux disciples sur le chemin d’Emmaüs qui découvrent Jésus dans un compagnonnage. N’est-ce pas un lieu où la foi se partage ? Mon expérience professionnelle m’apprend que la foi n’est pas une réponse à tout. Elle est même une question qui s’ajoute à bien d’autres. Je constate cependant que les personnes qui disent croire en un au-delà sont moins angoissées et leur parole est plus libre.
La vocation à servir ne doit pas faire oublier que c’est aussi un métier
J’éprouve toujours du bonheur à faire ce métier, même si les conditions ne cessent de se dégrader au profit d’une approche comptable de la santé à quoi s’ajoute une accumulation croissante de tâches administratives.
La médecine ambulatoire par exemple permet de réduire le temps et le coût des prises en charge évitant aux malades une trop longue hospitalisation. Mais le retour à domicile se fait trop souvent dans la précipitation : manque de prescription pour le matériel nécessaire à une bonne prise en charge, retour dans un contexte familial et un environnement matériel parfois inappropriés, collaboration parfois difficile avec des sociétés de service davantage préoccupées par la vente ou la location de leur matériel que par la bonne prise en charge du malade.
Mon métier évolue constamment vers plus de technicité et donc de responsabilité. Aujourd’hui, malgré les beaux discours sur les héros du Covid, les jeunes peines à s’engager. Le travail est trop lourd, mal payé, avec un grand manque de considération.
S’il y a une vocation à servir, elle ne doit pas faire oublier que c’est aussi un métier.
Bernard Loulimbé, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France