Avec les pauvres chercher à faire corps et prendre langage
Pierre-Baptiste, Equipe France
Le pape François ne cesse d’inviter les baptisés à aller ‟aux périphéries” pour témoigner par notre quotidien de l’espérance. Alors que les consacrés donnent une place prépondérante au service des plus fragiles, des plus pauvres, nous sommes invités, ce mois-ci, à unir notre prière à celle du Pape pour qu’ils « réveillent leur ferveur missionnaire et rejoignent les pauvres, les marginaux et les sans voix ».
Philippe Demeestère, jésuite, engagé depuis 45 ans dans une proximité avec les plus pauvres en témoigne dans son ouvrage, paru en 2012 aux éditions Bayard/Christus, Les pauvres nous excèdent. Il y fait le récit de cette proximité, découvrant au-delà des apparences « les chemins insoupçonnés de la vie » sur lesquels les pauvres avancent à leur manière. Sans faux-semblant, sans mots politiquement corrects, il partage ce qu’il a vécu à leurs côtés via l’association « La Margelle » fondée avec quelques-uns.
Au début de son livre, P. Demeestère pose la question fondamentale de l’action publique en faveur des sans-abris.
« Beaucoup est entrepris en faveur des sans domicile fixe. Des trésors d’attentions et d’inventivité conduisent régulièrement à de nouvelles initiatives. Question à porter : si nous en faisions tant, et parfois trop, n’est-ce pas, une fois encore, parce que nous n’avons rien de vraiment commun avec ceux qui n’ont nulle part où aller ? Ne s’agit-il pas de se faire pardonner une séparation de corps et d’esprit irréversible, qui touche à l’essentiel ? Un essentiel qui aurait l’allure d’un horizon partagé, qui nous garderait réellement ensemble au-delà de telle rencontre, de tel secours, de telle aventure menée de concert ? (p. 20)
Évoquer la louange en parlant des personnes pauvres semble particulièrement paradoxal. Pourtant, l’expérience de « La Margelle » invite Philippe Demeestère à l’utilisation de ce thème.
« A travers l’expression d’une recherche sur ce qu’est susceptible de devenir matière à louange pour les compagnons de route du moment, se concentrent plusieurs certitudes. La première récapitule ce qui précède : chaque être humain, dans la condition qui est la sienne aujourd’hui, doit pouvoir faire l’expérience qu’il est source de jubilation pour d’autres. La deuxième est celle de ne pas manquer ainsi le fil de la bonne histoire, au milieu de l’écheveau de bouts d’histoires dans lequel la pauvreté conduit à se perdre. Une troisième est que cette vocation à la louange présente une nécessité suffisamment impérieuse pour tous les hommes dont la bouche reste collée à la poussière pour qu’il ne soit pas question de tromper leur attente avec des amuse-gueule. Même si ces hommes après bien d’autres, protestent : ‟ Laisse-nous tranquilles ! ” (Cf. Ex 14, 12). » (p.87-88)
Pierre-Baptiste, Equipe France