Choisis la vie
Anne Dussaut, équipe FranceEn ce mois d’avril, le Pape François nous interpelle. Il nous invite à prier pour les personnes prisonnières de conduites addictives, d’actes mortifères conduisant à une vie sans issue, et à les soutenir :
« Prions pour toutes les personnes sous l’emprise d’addictions afin qu’elles soient soutenues sur leur chemin de libération. »
Pourquoi nous lancer dans ce défi ? Parce que notre coeur nous envoie au sein de la misère comme l’écrit Maurice Zundel dans son livre Je est un autre : «Ce que nous pouvons aimer dans les autres, c’est leur libération et leur grandeur possibles, c’est leur dignité virtuelle, c’est leur vocation d’être source et origine, leur capacité de devenir une valeur, un bien universel et irremplaçable. »
Pas 1 – Choisis donc la vie pour vivre

Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie pour que vous viviez, toi et ta descendance… Dt 30, 19
Ce verset du livre du Deutéronome nous parle, d’une manière forte, de la liberté humaine. Nous avons devant nous un chemin de vie et un chemin de mort. L’homme a la capacité de choisir, c’est même ce qui fait sa grandeur et sa dignité, mais ce n’est jamais simple, et il peut se tromper. Certains choix mènent à la vie, à l’amour, à la joie, d’autres conduisent à l’esclavage et l’aliénation. Et le Seigneur le sait… C’est la raison pour laquelle il ne cesse de nous appeler à la liberté et de nous redire, comme une supplication, son désir de nous voir vivre : Choisis donc la vie pour que vous viviez, toi et ta descendance…
Je pense à telle ou telle personne, un visage connu, sur mon lieu de vie ou de travail, un proche, victime d’addiction. Convaincu d’une possible libération pour elle, dans son corps, son cœur, son esprit, je me place à ses côtés. Suis-je habité par le désir de m’engager dans la prière ou par l’action sur ce lieu-là ?
Pas 2 – Aller vers soi-même et retrouver une relation juste

Le Seigneur dit à Abram : Quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père vers la terre que je te ferai voir. Gn 12, 1
Pour celui qui n’est pas encore Abraham, tout commence par un appel personnel, une invitation à se mettre en mouvement. Il s’agit pour lui de quitter, de dire adieu à quelque chose, à un lieu, un univers connu, et de se mettre en route. Cet homme entend et part à la recherche de Celui qui l’appelle, sans savoir où ses pas le conduiront. La phrase « Va vers la terre que je te ferai voir », est parfois interprétée et traduite par : « Va vers toi-même »… Va vers la personne que tu es vraiment, au plus profond de toi, celle qui est faite pour aimer et entrer dans une relation ajustée.
La personne déshumanisée par une addiction est-elle encore en capacité d’ouvrir, de nourrir, de renouveler une relation ? Peut-elle croire en la parole de vie ? Suis-je celui ou celle qui va lui porter cette parole et l’aider à trouver ou retrouver sa vocation propre, dans ce qu’elle a d’unique, d’être créé à l’image de Dieu qui l’attend ?
Pas 3 – Recevoir le désir de connaître Celui qui libère et donne la vie

On lui amène un sourd qui de plus parlait difficilement… Jésus lui mit les doigts dans les oreilles, cracha et lui toucha la langue… Puis il soupira et lui dit : « Effata » c’est-à-dire « Ouvre-toi. » Aussitôt ses oreilles s’ouvrirent, sa langue se délia et il parlait correctement. Marc 7, 32-35
Cet homme qu’on amène à Jésus a du mal à entrer en relation et à communiquer. Jésus, le prenant à l’écart, va créer avec lui une relation étonnante, de grande proximité, qui ne passe pas par la parole mais par les sens : ses doigts dans les oreilles, sa salive sur la langue… autant de signes forts et concrets pour le rejoindre. Ce sourd-bègue représente l’humanité et son incapacité à entendre la parole que Dieu lui adresse. Jésus est Celui qui vient rétablir la relation et met en nous le désir de connaître et aimer Celui de qui nous avons reçu la vie.
Comment vais-je accompagner la personne qui s’est fermée et coupée de la vraie vie ? Je demande la grâce d’être simple présence auprès d’elle, dans la confiance et la patience qui vont lui faire découvrir que Jésus se tient là, dans son lieu de déréliction. Je demande la grâce de croire que Jésus donne la vie et libère par sa Miséricorde infinie.
Notre marche avec le différent, celui qui déplace et dérange, conduit à l’inattendu. Nous prenons le risque de laisser le Ressuscité transformer nos vies, de nous reconnaître aussi pauvres et mendiants que celui qui n’ose frapper à notre porte ou qui nous insupporte. Ensemble recevons une nouvelle fécondité insoupçonnée, portés par les courants du fleuve de Vie intarissable.
Marie-Anne Dussaut avec Marie-Dominique, équipe France