« Considérer la vie comme une bonté radicale »
Pierre-Baptiste, Equipe France
En ce dernier mois de l’année 2018, le successeur de Pierre nous demande de nous unir à sa prière afin « que les personnes engagées au service de l’intelligence de la foi trouvent un langage pour aujourd’hui, dans le dialogue avec les cultures ». Pour nous aider à tenir cette prière et à la mettre en actes, nous avons rencontré Christophe Théobald, prêtre jésuite, qui travaille cette question de la transmission de la foi.
Comment témoigner de sa foi aujourd’hui ?
« Il faut saisir toutes les occasions, les espaces intermédiaires que sont, par exemple, les pauses au travail pour partager le sens de mon existence, de ce qui me fait tenir debout. C’est de cela dont il faut avant tout témoigner. Les chrétiens sont trop discrets dans ce témoignage. Ils n’ont pas appris à parler de leur propre foi. Cette expression ne doit pas se faire dans le langage ‟de la tribu ecclésiale” mais de manière audible, dans un langage forgé avec d’autres. Nous pouvons nous interroger sur notre liberté de parole dans nos lieux de vie et ensuite trouver le courage de témoigner sur ce qui fait sens pour moi, de manière personnelle. Témoigner des choses de la vie, voilà l’essentiel, comme nous voyons le Pape François faire dans le documentaire de Win Wenders (ndlr : « Le Pape François, un homme de parole »). »
Quelles paroles la foi chrétienne peut-elle apporter dans le monde contemporain ?
« La foi chrétienne nous rappelle que notre existence n’a qu’une direction (de la naissance à la mort). Cette certitude est occultée aujourd’hui par beaucoup. Pourtant, elle nous fait saisir que je suis de passage et donc que ce que je vis, je ne le vis qu’une seule fois. Je suis toujours surpris par l’expression française ‟ tomber ” pour exprimer un événement (tomber amoureux, enceinte, malade…). C’est un peu comme si notre vie était subie, détournée, désorientée.
La foi chrétienne, en revanche, nous appelle à considérer la vie comme une bonté radicale : ‟ Et Dieu vit que cela était bon ”. Il est important, aujourd’hui, que des chrétiens, disciples missionnaires, fassent entendre ce message de bonté, cette bonne nouvelle : ‟Ta vie est fondamentalement bonne ”. Ce témoignage passe par des gestes concrets, une fraternité qui se manifestent. Jésus passait certes mais il posait des gestes, des actes. Il était pleinement présent. Ce sont ces gestes qui ont mis les disciples en route ; ce sont des gestes qui doivent nous permettre de vivre l’hospitalité, la fraternité. C’est le cœur de la foi, de ce qui se vit dans l’Eucharistie où Jésus vient prendre corps en nous, où il se donne comme présence fraternelle. Nous avons donc à faire que nos communautés ecclésiales vivent de et en fraternité, de l’hospitalité. »
Comment l’Église peut-elle être davantage missionnaire ?
« La transformation missionnaire de l’Église doit passer par cette hospitalité. Il est important qu’elle soit une Église en sortie, décentrée d’elle-même, proche des gens. C’est un combat spirituel pour nous, membres de l’Église. Il est important d’être attentifs à la manière dont l’Évangile et mon quotidien sont intiment liés. Cela passe par un travail de relecture de mon existence, de mes expériences d’hospitalité. Toute existence humaine est déjà trace de Dieu ; à l’image de celui qui est sans image. C’est une invitation au respect. Se faire une image de l’autre c’est déjà être dans le jugement.
Nous avons pour mission de faire vivre l’Évangile. Il ne s’agit pas d’un endoctrinement mais de faire une expérience évangélique de Dieu. L’Église, les chrétiens, doivent pouvoir être en mesure de faire la même expérience de rencontre que ceux qui ont rencontré Jésus de Nazareth.
Propos recueillis par Pierre-Baptiste, Equipe France
Sur ce sujet, un livre de Christoph Theobald