Cri du peuple et cri de Dieu au cœur de la Bible
P. Jean-Marie Dezon, RMPPLes hommes et les femmes de la Bible nous font rentrer dans l’intention de prière de ce mois où le Pape nous invite à prier
« pour ceux qui luttent au péril de leur vie pour les droits fondamentaux sous les dictatures, les régimes autoritaires mais aussi dans les démocraties en crise. »
La Bible est tout entière un cri. Cri du peuple de Dieu qui se voit opprimé ou exilé, injustement écrasé sous le joug des puissants ; cri de l’homme persécuté, aspirant à vivre dans la justice et la paix et craignant sans cesse pour sa vie même ; cri de Dieu, lorsque son peuple souffre de violences, lorsqu’à son désir d’alliance l’homme répond par l’infidélité et la désobéissance à ses commandements. Quand l’injustice fait rage, dans le pays mais aussi dans le cœur de l’homme, un cri s’élève, tantôt révolte, tantôt prière, pour dénoncer les situations porteuses de mort, les atteintes à la dignité de l’homme et à sa liberté.
Le cri s’élève, clamé par des hommes et des femmes de la Bible, qui ne craignent pas pour leur vie, lorsqu’il s’agit de dire la vérité et d’établir la justice ; des hommes et des femmes que Dieu a rendus sensibles à l’injustice, et qui prennent des risques, qui trouvent en Dieu la force et l’audace pour servir la justice, le droit.
Ces hommes et ces femmes de courage, patriarches et matriarches, juges et rois, prophètes et martyrs d’Israël, se lèvent à l’appel de Dieu qui les assure lui-même de sa force. Ainsi, dans le livre du Prophète Isaïe, le Serviteur reçoit de Dieu ces paroles : « C’est moi le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice » (Is 42,6).
On sait de quelle audace, de quel courage, la reine Esther, ou encore Judith et tant d’autres ont dû faire preuve. Dans la confiance qu’elle met en son Dieu, Esther prie ainsi : « Dieu qui as puissance sur tous, écoute la voix des désespérés, arrache-nous à la main des pervers et arrache-moi à la peur » (Est, grec 4,30 ; cf. Jdt 8).
Si la Bible entière en appelle à la justice, elle parle également sans cesse de courage, de force, en même temps qu’elle annonce la chute finale des violents. Ce paradoxe se développe jusque dans le Nouveau Testament où Jésus déclare « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice » (Mt 5,10), et dit de ne pas craindre « ceux qui tuent le corps et après cela ne peuvent rien faire de plus » (Lc 12,4).
C’est aussi ce qu’affirme l’apôtre Paul dans sa prédication de la Croix, où ce qui paraît « faiblesse de Dieu » est proclamé plus fort que l’homme (1 Co 1,25). Ce n’est pas là apologie de la faiblesse, mais glorification de « la force de Dieu pour le salut du croyant » (Rm 1,16). Par ces mots, Paul oppose la force que l’homme trouve en Dieu, à l’impuissance où il demeure sans Dieu (cf. Ph 4,13).
C’est Dieu qui nous engage à son service ; s’il nous rend forts, c’est pour que s’accomplisse sa volonté et se réalise son dessein. Il nous faudra cependant toujours demeurer dans l’humilité, car « ce trésor nous le portons en des vases d’argile, pour qu’on voit bien que cette extraordinaire puissance appartient à Dieu et ne vient pas de nous » (2 Co 4,7).
Pas 1 : Quand Dieu voit la misère de son peuple

« Le Seigneur dit à Moïse : ‘J’ai vu la misère de mon peuple en Égypte et je l’ai entendu crier sous les coups de ses chefs de corvée. Oui, je connais ses souffrances (…) Et maintenant, puisque le cri des fils d’Israël est venu jusqu’à moi… va maintenant ; je t’envoie vers le Pharaon, fais sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël.’ » Ex 3,7.9-10
Alors que les générations des fils d’Israël sur la terre d’Égypte se succèdent, les voici de plus en plus opprimés, considérés comme des esclaves par Pharaon. Dieu voit l’injustice dont est victime son peuple ; il prend lui-même l’initiative d’appeler Moïse pour qu’il fasse sortir les fils d’Israël de la terre d’esclavage. Alors que Moïse se dérobe et dit ses craintes, la force et le courage, l’audace pour la justice lui sont donnés par Dieu, qui l’assure de sa présence fidèle. L’aventure commence, alors que Dieu demandera à son peuple de cheminer lui-même dans la justice.
Est-ce que je sais reconnaître autour de moi, dans ma cité, au sein de la société, des situations injustes ? Quelles sont-elles ? Ai-je à cœur d’agir contre ces situations, voire ces « structures de péché » ? Si oui, comment ? Si non, pourquoi ?
Pas 2 : Suzanne et le jugement de Daniel

« Tandis qu’on conduisait Suzanne à la mort, Dieu excita l’esprit de sainteté d’un tout jeune homme du nom de Daniel, qui cria d’une voix forte : ‘Je suis pur du sang de celle-ci !’ … Et lui, debout au milieu d’eux, dit : ‘Êtes-vous si insensés, fils d’Israël ? Sans enquête, et sans savoir ce qu’il en est, vous avez condamné une fille d’Israël ! Retournez au tribunal, car ces hommes ont porté contre elle un faux témoignage.’ » Dn (grec) 13,45.48-49
Durant la période de l’exil à Babylone, Suzanne, fille d’Israël, est faussement accusée par deux de ses compatriotes qui la désiraient mais à qui elle s’était refusée. Alors qu’on veut la faire mourir, le jeune Daniel s’élève fortement et courageusement contre cette injustice et parvient à réhabiliter Suzanne aux yeux de tout le peuple.
Lorsque je suis témoin d’injustices flagrantes, de manquements graves à l’ordre ou à la vie, quelles sont mes réactions ? Quelles sont mes peurs, les freins qui me bloquent ? Ou, au contraire, quel courage m’est donné pour réagir ? Qu’ai-je à faire pour trouver ce courage ?
Pas 3 : Au nom de la justice, Jean-Baptiste

« Jean disait à Hérode : ‘Il ne t’est pas permis de garder la femme de ton frère’. Aussi, Hérodiade le haïssait et voulait le faire mourir, mais elle ne le pouvait pas. Car Hérode craignait Jean, sachant que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait. Quand il l’avait entendu, il restait fort perplexe ; cependant il l’écoutait fort volontiers. » Mc 6,18-20
Jean le Précurseur n’hésite pas, face au roi Hérode, face au pouvoir en place, à dénoncer les situations fausses, injustes. Il le fait même au risque de sa vie, puisqu’il déchaînera la colère d’Hérodiade. Alors que Jean est déjà en prison, Hérodiade obtient qu’il soit décapité. La mort de Jean annonce celle de Jésus, le Juste par excellence.
Ai-je, autour de moi ou dans la société ou l’Église, des exemples de courage, ou de prises de risques en faveur de la justice ? En quoi ces exemples me touchent ou m’interpellent ? Aurais-je, moi aussi, le courage et l’audace de ces témoins ? Est-ce que je me fais suffisamment confiance, lorsque j’estime avoir peu d’audace ? Et est-ce que je fais confiance à Dieu ?
P. Jean-Marie Dezon, Réseau Mondial de Prière du Pape