De la violence à la libération
Propos recueillis par Marie Dominique, Equipe France
C. est une jeune Ivoirienne, arrivée en France il y a à peine 2 ans avec son bébé. La violence, elle connaît… depuis l’âge de 8 ans, elle a été victime d’esclavage dans le travail, de l’excision, de viols à répétition, et elle avoue que le fait d’en parler est pour elle comme une libération intérieure. Que les mots de son témoignage nous soutiennent pour prier
« Pour les femmes victimes de violence afin qu’elles soient protégées par la société et que leurs souffrances soient prises en compte et écoutées. »
Une vie marquée par la violence
« J’ai perdu ma mère à l’âge de 8 ans, et sa famille a accusé mon père de l’avoir assassinée. Il a été emprisonné, et j’ai été confiée à la garde de mon oncle, avec ma sœur et mes frères, et a commencé pour nous une vie de violence. Dans sa maison, je devais travailler de longues heures pour le ménage et j’étais maltraitée par ma tante pour un oui ou un non, des coups ou la chicotte. On était comme dans une prison. Ma sœur et moi, nous avons été excisées, et ma sœur en est morte. Promise à 11 ans à un homme beaucoup plus âgé que moi, comme 3ème épouse, je me suis enfuie dans la ville voisine où j’ai été recueillie par une famille.
Après quelques années on m’a proposé de travailler dans un « maquis » (restaurant) comme serveuse, mais le travail était en fait la prostitution… et comme je refusais, j’ai été violée par trois « gaillards », qui m’ont laissée si mal en point que j’ai perdu connaissance et que j’ai dû être conduite à l’hôpital.
Au pays quand tu es violée, tu es mal vue, rejetée par tout le monde.
J’ai alors rencontré un garçon, chrétien, qui m’a encouragée et soutenue. Mais comme je suis musulmane, sa famille ne m’acceptait pas. Quelqu’un lui a parlé de la Lybie, en lui disant qu’on pourrait y travailler. On a pris la route ensemble avec des passeurs : Mali, Niger, pour arriver en Lybie, mais à chaque barrage des rebelles violaient les femmes.
Là-bas je suis tombée enceinte, et j’ai commencé à travailler dans une famille – de 5h du matin jusqu’à minuit et les derniers mois j’étais complètement épuisée.
Des anges sur ma route
En raison de l’excision, je devais accoucher par césarienne à l’hôpital… mais comment faire, où trouver l’argent nécessaire ? J’ai eu la chance de croiser sur ma route une femme tunisienne qui m’a payé les frais d’hospitalisation. Elle a été comme un ange sur ma route.
Puis j’ai pu quitter la Lybie, mais nous avons été séparés avec mon compagnon. J’ai embarqué sur un Zodiac avec mon bébé : une semaine sur la mer presque sans manger ni boire. Arrivée à Lampedusa, je suis restée une semaine dans un camp. Mais je ne parlais pas la langue et je voulais aller en France. Des jeunes m’ont invitée à venir avec eux et m’ont payé le trajet : Que Dieu les bénisse… qu’Il leur rende tout !
Après deux jours passés à la gare de la ville où j’étais arrivée, j’ai été mise en contact avec des associations, en particulier le Secours catholique. Là tout allait mieux, j’étais soulagée.
Et un jour j’ai reçu un appel téléphonique : c’était le papa de mon fils qui m’appelait ! Il avait pu quitter la Lybie et rejoindre l’Italie. Grâce à Facebook il nous avait retrouvés !
Tout ça me travaille et revient dans mon souvenir. Quand j’en parle c’est comme un flot qui me déborde. La vie a été difficile pour moi, elle ne m’a pas laissé le choix et m’a obligée à être forte. Mais c’est grâce à Dieu que je suis là… il est la source de la vie et je le remercie. »
Propos recueillis par Marie Dominique, Equipe France