Dieu ne nous attend-il pas au cœur de nos fragilités ?
Claire Jeanpierre, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France
Jean-Baptiste a connu le burn-out il y a quelques années. Il parle ici de son expérience qui l’a conduit aujourd’hui à mettre en route un projet d’accueil pour les personnes qui vivent elles aussi cette douloureuse traversée.
Vous avez connu il y a quelques années le burn-out, pouvez-vous nous en parler ?
Jeune cadre dans les télécommunications, j’avais la parure complète du trentenaire dynamique. La grosse ‘bagnole’, le téléphone dernier cri, l’attitude empressée, 300 mails par jour, des projets à haute visibilité et des gros chiffres desquels me targuer. J’avais aussi un terrain très propice à la chute : une vie intérieure desséchée, une vie privée inexistante, un sentiment de solitude au milieu des 15000 collègues, un besoin d’ailleurs et d’autre chose refoulé, et une imperméabilité aux signaux d’alarme. Cette fuite ne pouvait durer éternellement, une énième frustration dans un dossier servit de croche-pied. J’ai tenté de me relever en faisant ‘plus’ : plus de café, plus d’énergie, plus de vitesse… Mais dix fois par jour j’allais me cacher dans les toilettes au bureau pour essayer de dormir un moment, couché en ‘u’ sur ma veste de costume. Dormir pour m’échapper encore… Rien n’y fit, et arrêté d’urgence, je devins un zombie enfermé dans un appartement aux fenêtres occultées, terrifié à la simple idée d’aller chercher du pain au bout de la rue. L’angoisse est une peur sans objet. Imaginez-vous dans une situation qui vous terrifie. L’angoisse, c’est vivre cette terreur en permanence, même dans l’environnement le plus rassurant comme votre canapé ou vos amis les plus proches.
Un face à face inattendu avec ma fragilité.
Comment parvient-on à sortir de cette épreuve ?
Le burn-out est une expérience effrayante et douloureuse mais, bien accompagnée, elle a été pour moi salutaire. Elle peut être vécue à des intensités très différentes, la mienne a été très éprouvante.
J’ai fait une rencontre brutale avec ma finitude, ma toute-puissance et mon orgueil, un face à face inattendu et imposé avec ma fragilité. Le burn-out a été l’overdose d’un système de fuite.
Il m’a fallu trois ans pour me reconstruire ; j’ai cherché à sortir de moi-même, d’abord auprès de jeunes toxicomanes puis auprès de personnes en situation de handicap, puis j’ai mis deux ans pour préparer ce projet d’un lieu d’accueil pour des personnes qui font face à cette situation et qui sont tellement démunies pour trouver des lieux adaptés.
Remis debout, vous avez créé une association pour accueillir des personnes qui vivent aussi cette épreuve. Qu’est-ce qui a motivé ce projet ?
Une fois reconstruit, face à la réalité du nombre de personnes qui traversent ce moment dans la solitude ou dans un environnement stérilisant, j’ai choisi de répondre à un appel et de créer ‘Au temps pour toi’(1). L’association propose un lieu de vie où ceux et celles qui vivent un burn-out peuvent prendre du temps, du recul, et peu à peu retrouver du sens à leur vie.
Nous avons accueilli notre premier résident en mars 2017. Depuis, l’association ‘Au temps pour toi’ a accueilli dans sa maison située en campagne limousine 75 personnes de tous profils et origines – mères au foyer, prêtres, médecins, consultants, ingénieurs, avocates, thérapeutes, chefs d’entreprise -, issus de toute la France, Suisse, Belgique, et au-delà.
‘Au temps pour toi’ est un lieu de vie de type familial, lieu de vie et d’entraide où les personnes trouvent des moyens pour se reposer, prendre du recul, et peu à peu transformer la crise en opportunité. Nous sommes très touchés par les fruits que la providence a bien voulu faire germer de cette aventure. Les témoignages des anciens en sont le reflet. Nous recevons une dizaine de demandes d’accueil par semaine et notre capacité d’accueil ne suffit plus. Nous appelons aux dons pour nous permettre d’ouvrir de nouvelles chambres, et aux bénévoles pour nous aider à porter cette mission au quotidien.
Dieu ne nous attend-il pas au cœur de notre fragilité ?
Quelle serait votre prière pour rejoindre l’intention du pape ?
Oui, prions pour tous ceux qui connaissent le burn-out, afin qu’en étant bien accompagnés, cette expérience ouvre un nouvel avenir. Dieu n’était pas dans le tonnerre mais dans la brise légère. Si la force est le terrain de la compétition, de la comparaison, de l’ego, la fragilité est le terrain de la rencontre, de l’accueil, de la beauté. Je ne peux pas tout, tout seul, je ne suis pas ma propre unité de mesure, je suis fragile, j’ai besoin de mon frère, je tends la main. Dieu n’est-il pas dans cette étincelle ? Ne nous attend-il pas au cœur de notre fragilité ? Oui, prions pour que ceux et celles qui vivent ce moment puissent accueillir cette fragilité, libérant ainsi son entière fécondité.
Propos recueillis par Claire Jeanpierre, et le Réseau Mondial de Prière du Pape France