« Je valais bien plus que « tout ça » »
Anita, pour l’équipe France
Anita témoigne, de manière anonyme, de son chemin de vie pour nous aider à prier
« pour les femmes victimes de violence afin qu’elles soient protégées par la société et que leurs souffrances soient prises en compte et écoutées. ».
Nous la remercions pour son courage. Portons-la tout spécialement dans notre cœur.
Un jour, ma jeune cousine me demande : « Est-ce-que c’est normal, les gestes qu’il me fait ? » – « Non. » – « Qu’est-ce qu’il faut faire ? » – « Essaie de ne pas trop t’approcher de lui. » – « Mais il me dit toujours d’aller jouer avec lui ! » …
J’avais 10 ans lorsque nous avons eu cet échange. Victimes toutes deux d’attouchements sexuels par un proche. Des années après, nous apprenions que nous n’avions pas été les seules.
Jamais je n’ai pu en parler à mes parents : j’avais trop honte de moi, de mon corps. Comment aurais-je pu supporter ensuite leur regard, comme si dire la vérité aurait projeté de manière visible la marque de ma blessure ? Trop peur aussi des retombées possibles.
Devenue femme, j’avais gardé ce réflexe de me protéger ou de le protéger, lui de moi. Je pensais que s’il ‟tombait” à nouveau ce serait à cause de moi : cercle infernal de la culpabilité.
La violence a pris plusieurs visages dans ma vie. Le plus douloureux était celui de ma mère, qui reportait sur moi ses problèmes conjugaux, ses blessures et son mal-être. Mais c’était ma mère… Il m’a fallu longtemps, et de violents rejets, avant de recevoir la Parole d’un Autre : « je valais bien plus que ‟tout ça” ».
J’avançais dans la vie, comme une barque ballottée par les flots et les vents contraires, jusqu’à ne plus pouvoir. Ma souffrance intérieure était telle que je voyais la mort comme seule issue.
Un jour, je rencontrais une religieuse, suite à la lettre que je lui avais écrite. Une parole a pu sortir : « j’étouffe ! » – « Je le crois », me répondit-elle. Pour la 1ère fois mon cri trouvait un écho : enfin, quelqu’un m’avait écoutée !
Quelques années après, un Vendredi Saint, les paroles d’Isaïe résonnèrent en moi
« dans ses blessures se trouvait notre guérison » Isaïe 53, 5
Retour à mon expérience aux portes de la mort : oui, Il était là, ce Dieu blessé sur la Croix, Christ m’avait rejointe à l’heure du désespoir.
Ce fut le commencement d’un long parcours, où la parole/Parole se fit chemin. Il faut du temps pour dire, se dire, oser se livrer. Peu à peu, la parole avec un thérapeute m’a libérée, délestée de ce poids qui m’entravait, tel un vêtement rétréci qui met à l’étroit.
En même temps, comme en fond, me rejoignait la Parole d’un Autre, de Celui qui discrètement et avec douceur rejoint les pèlerins égarés
« de quoi parliez-vous en chemin… ? » Luc 24, 13-17
Il m’avait prise par la main et l’espace en moi ouvert est devenu peu à peu terre d’accueil de Celui qui me libère et chemin de réconciliation, de guérison…
Anita, pour l’équipe France