« La diversité, un défi pour notre communauté »
Père Vincent Lascève sj
Faire résonner la Parole de Dieu dans toutes les langues… voilà le stimulant défi qui revient à Vincent Lascève, sj, curé d’une grande paroisse de la banlieue parisienne. Il nous offre son témoignage pour nous soutenir et rendre concrète notre prière « pour que les personnes engagées au service de l’intelligence de la foi trouvent un langage pour aujourd’hui, dans le dialogue avec les cultures. »
A Saint-Denis, ville de la région parisienne qui compte plus de 130 nationalités et où affluent beaucoup de migrants attirés par la capitale, notre paroisse Saint Denys de l’Estrée est un carrefour de cultures. Guadeloupéens, Congolais, Ivoiriens, Camerounais, Capverdiens, Portugais, Polonais, Espagnols, Vietnamiens, Allemands, Algériens, Italiens, Péruviens, Indiens, Bangladais, Indonésiens, Bretons, Auvergnats, Aveyronnais, …il est impossible de savoir exactement combien de cultures se croisent sous les voûtes de cette église, pur produit de la culture française, construite par Viollet-le-Duc sous le Second Empire entre 1863 et 1866 dans un style inspiré du roman de Vézelay et de l’art cistercien.
De plus, la diversité culturelle est également le produit de la diversité des âges car la culture numérique d’un jeune confirmant n’est pas celle de sa grand-mère nourrie de piété populaire.
Une telle diversité est un défi pour notre communauté. C’est un défi, car comme devant les Apôtres le jour de la Pentecôte, il y a là des personnes venant « de toutes les nations sous le ciel » (Ac 2,5) et nous voudrions que chacun entende le message de l’amour du Christ « dans son propre dialecte, sa langue maternelle » (Ac 2,8).
Cette expression « langue maternelle » me semble une bonne piste pour réfléchir à notre responsabilité pastorale dans un tel contexte multiculturel. La « langue maternelle » c’est d’abord la langue qui renvoie chaque être humain à l’expérience d’avoir été aimé par sa mère, ou celle qui en a tenu la place, d’avoir désiré parler pour répondre à cet amour premier. Donc je crois que notre responsabilité première est de faire de notre communauté un lieu d’accueil inconditionnel et de miséricorde. Le pape François l’a dit merveilleusement : « L’Église n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile. » (La joie de l’Evangile n°47). La route est longue pour y parvenir.
Entrer en dialogue avec une culture, parler « sa langue maternelle », c’est donc faire sentir la fraternité par notre manière d’être, dire « tu es mon frère » par des gestes concrets avec celui qui ne partage pas tous mes codes culturels.
Concrètement, les expressions de la piété populaire comme le chapelet, l’adoration eucharistique, la présence de statues du Sacré Cœur, de St Joseph, de St Antoine, de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus permettent à des cultures très différentes de prier ensemble. De plus, des jeunes animent un groupe de louange qui rassemble divers âges, milieux sociaux et cultures.
Il y a aussi de la place pour des expressions culturelles plus spécifiques : chaque mois la Fraternité Sainte Rita d’origine du Congo Brazzaville anime une eucharistie dominicale en veillant à mêler chants en langues africaines et en français, nous organisons avec la paroisse Polonaise qui partage notre église deux messes franco polonaises dans l’année. A Noël, la communauté antillaise invite tous les paroissiens à un Chanté Nwel typique de sa tradition. En juin, une Messe des Nations en costumes traditionnels pour célébrer la diversité des cultures et leur unité dans le Christ. Prochainement nous souhaitons ouvrir une Ecole de la Parole hebdomadaire qui pourrait aussi être un lieu œcuménique.
Mais cette diversité demande une attention constante aux plus petits pour leur permettre de s’exprimer dans leur culture. Il faut pour cela du temps et savoir le prendre. Cela nous déloge de notre culture occidentale de l’efficacité.
Cela nous provoque aussi à développer l’ouverture physique de notre église, à développer « le service du Frère » par l’accueil d’association d’alphabétisation dans nos locaux et une aide alimentaire en partenariat avec le Secours Catholique. Car comment prétendre parler « la langue maternelle » des personnes si nous leur fermons nos portes et n’entendons pas leurs besoins les plus essentiels !
Père Vincent Lascève sj