Le dialogue est la seule solution pour avancer
Marie Dominique Corthier, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France
Patrick de Percin est délégué syndical à la CGC(1) dans une entreprise toulousaine. Il nous explique comment résonne pour lui cette intention et l’invitation du Pape François à prier pour que, dans les situations sociales, économiques et politiques conflictuelles, nous soyons des créateurs courageux et passionnés de dialogue et d’amitié.
Patrick, vous êtes délégué syndical, et à ce titre vous avez l’habitude de gérer des conflits. Comment accueillez-vous cette intention du pape François ?
Les situations sociales conflictuelles font partie de mon lot quotidien. Les affronter et essayer de les résoudre est une grande partie de mon travail ! L’entreprise dans laquelle je travaille est en ce moment dans une période de restructuration, et le travail des Syndicats est d’abord d’entendre et de comprendre quels sont les objectifs de la Direction dans les changements annoncés. Il s’agit de discuter, voire de contester, mais aussi de faire des propositions, puis de communiquer le résultat des négociations aux salariés. Nous essayons de bâtir avec la Direction et les Syndicats un ensemble de mesures visant à ce qu’il y ait le moins de dégât possible, et s’il y en a, on cherche des solutions pour faire en sorte que personne ne reste au bord du chemin.
Quand vous entendez l’invitation à être « des créateurs courageux et passionnés de dialogue et d’amitié », comment réagissez-vous ?
Personnellement, je n’emploierais pas le mot amitié, on n’est pas dans ce registre dans les négociations syndicales, même si je comprends que le pape François l’emploie dans le sens d’amitié sociale, comme dans son encyclique Fratelli tutti. Par contre nous avons à être, sans aucun doute possible, des passionnés de dialogue, et à faire preuve de créativité. Pour arriver à ce que chacun sorte gagnant de la négociation et qu’il n’y ait pas un parti qui écrase l’autre, cela demande intelligence, écoute respective, tolérance, courage. Quand l’autre parle, même si je ne suis pas d’accord avec ses propos, je dois réfléchir et essayer de comprendre ce qu’il me dit. Le dialogue peut parfois être décevant, pourtant il est la seule solution pour avancer, car si la parole est bloquée et qu’on en arrive à la rupture, on ne peut plus reconnaître l’autre comme un interlocuteur valable.
Qu’est-ce qui sous-tend cette perspective ? Quelles sont vos sources ?
En tant que chrétien, je m’appuie beaucoup sur la doctrine sociale de l’Église(2) qui est une mine. Avec ce document, l’Église nous offre une grille de lecture, un outil pratique qui teinte les négociations, et donne un certain état d’esprit. Le dialogue permet d’agrandir son champ de compréhension, et ouvre à la préoccupation de l’autre. Dans une négociation, il ne s’agit pas de gagner contre l’autre mais de bâtir avec lui. On peut contester sa position, n’être pas d’accord, mais il est indispensable de rester dans une attitude bienveillante d’écoute. Une phrase de ce document me tient à cœur : « L’être humain est le centre et le sommet de la création. » C’est puissant comme perspective !
Mais tous les délégués syndicaux n’ont pas le même background…
C’est vrai, chacun a sa manière de négocier, mais chacun a sa part de vérité. Et il est indispensable de se respecter mutuellement parce que notre objectif est le même en définitive : il s’agit de travailler pour quelque chose de plus grand que nous, qui est le bien commun, de l’entreprise et de chaque salarié.
Propos recueillis par Marie Dominique Corthier pour le Réseau Mondial de Prière du Pape en France
(1) CGC : Confédération Générale des Cadres.
(2) Pour aller plus loin, on peut se reporter au livre Docat – Que faire ?, qui présente un compendium de la pensée sociale de l’Église.