L’Église, fragile, vulnérable, blessée – Et les prêtres dans tout ça ?
Équipe France
La Commission diocésaine de Toulouse ‟Place et Parole des Pauvres” composée de personnes très pauvres a conduit une réflexion sur leur image de l’Église, Peuple de Dieu et le rôle des prêtres. Ce travail d’année a préparé l’Assemblée diocésaine de la Diaconie qui a eu lieu en mai 2019 sur le thème : « Vulnérables, blessés, Jésus nous sauve ». Laissons-nous toucher par les mots emplis d’humanité de ces personnes, qu’ils soutiennent notre regard, notre prière et notre engagement personnel au service du défi que nous donne le Pape François en ce mois de juin.
La méditation de l’épître de Paul aux Corinthiens a démarré une première rencontre sur l’Eglise :
‟Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est”. 1Co 1 26,31
Dans une deuxième rencontre, nourris de cette Parole, c’est l’appel du Pape François
« Prions pour les prêtres, qu’à travers la sobriété et l’humilité de leur vie, ils s’engagent dans une solidarité active avec les plus pauvres. »
qui a permis de poursuivre la réflexion sur les prêtres.
Le rôle du prêtre
-Pour certaines personnes qui sont athées ou qui ne croient pas vraiment à Dieu, un prêtre, ce n’est pas la première personne qu’ils iront voir. Mais souvent rencontrer un prêtre aide la personne à se calmer, à ne pas penser à ses soucis et c’est là qu’après, elle trouve elle-même une solution. Ça prouve que l’Eglise doit aider les personnes mais l’Eglise, c’est aussi le lien avec Dieu.
-Peut-être qu’un prêtre a un charisme particulier pour aller vers tel ou tel public… Il y a des personnes qui vont dans les prisons, qui visitent les prisonniers, d’autres qui font partie du service évangélique des malades ou vers les SDF par exemple. Donc chacun répond à un appel qui lui est particulier et qui est unique. Peut-être que les prêtres à la fin d’une messe, devraient parler non pas nécessairement de ce qu’ils font mais de ce qui se fait au sein de leur paroisse, sans forcément se mettre en avant.
-Il faudrait déjà que les prêtres osent faire les premiers pas au niveau des pauvres.
L’image qu’on se fait du prêtre
-Je ne suis jamais allé voir un prêtre moi de toute façon. Ils sont tellement loin les prêtres… à mon avis, les pauvres ne s’approchent pas tellement facilement d’eux. Il y a des niveaux sociaux qui séparent, c’est très compliqué pour pouvoir s’approcher des prêtres.
-Par le service de la sacristie notamment, je sais qu’un prêtre a des journées très chargées vraiment. Même s’il faut faire le ménage à cause des “affaires“ – entre guillemets -, moi je garde confiance parce que pour moi, c’est l’Église, on appartient à l’Église. Je reste pour ma part fidèle à l’Église et à ses prêtres même si personnellement je demande qu’il y ait des évolutions positives. On oublie de dire qu’il y a des prêtres qui exercent leur mission au service des plus pauvres ou de différents types de public. Je pense qu’il est important à la fois de prier pour les prêtres, et pour les pauvres qui ne doivent pas être oubliés parce qu’ils sont aimés de Dieu.
-Est-ce que les prêtres ne le font pas déjà, d’aller vers ceux qui sont vers les périphéries, comme le dit le pape François ? Il y a une phrase qui me vient à l’esprit : “le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien“. Peut-être qu’on a parmi nous des prêtres qui vont vers les pauvres et on n’en sait rien! On n’est pas au courant. Ça dépend peut-être aussi des quartiers, de l’environnement dans lequel on vit et dans lequel on évolue.
-Il y a toujours à l’esprit l’ancienne Église qui était très luxueuse et qui était plus pour les riches. Malheureusement, cette mauvaise période a laissé beaucoup de séquelles. Pour beaucoup de personnes, l’Église ça reste quand même très luxueux. C’est pour ça que beaucoup de pauvres ont du mal à aller vers l’Église ou vers un prêtre. Le prêtre doit casser cette croyance, cette image, cet à priori que les pauvres ont de l’Église.
Que doit faire le prêtre ?
-Pour que les prêtres aillent visiter les pauvres, il faudrait qu’ils sortent de leur église. Je sais qu’il y a beaucoup de prêtres qui vont par exemple dans les Secours Catholique ou qui vont voir les pauvres, les SDF ; mais il y en a aussi beaucoup qui sont cloisonnés dans leur église, qui ont du mal à sortir du monde de leur paroisse.
-C’est aux prêtres de venir aux pauvres. Le pauvre, il n’ira pas vers lui parce qu’il est avec son habit. Il a peur de s’en approcher. Personnellement je ne m’approcherai pas ; j’aurai peur de me faire jeter. C’est aux prêtres de s’approcher des pauvres. Le pauvre il n’ira pas.
Et nous, quels pas devons-nous faire ?
-Depuis qu’on a changé de prêtre, j’ai du mal dans ma paroisse… Et comment faire pour passer le pas pour qu’il y ait un échange ? Il faut que les deux soient prêts, qu’il y ait une ouverture. Mais il y a la peur et l’angoisse des pauvres. Aussi bien des pauvres que du prêtre !
-Je me rappelle une fois avec mon groupe, on était invité à vivre une messe et un temps de partage dans l’après-midi avec une autre communauté. Avec les questions qu’ils nous posaient, on était vraiment des plus pauvres, des SDF… Ils ne nous voyaient pas comme des personnes normales. Mais après, quand on a eu le temps de partage, qu’ils ont écouté ce qu’on avait à dire, certains ont dit ‟pardon” à la fin de la journée. Ça leur a ouvert l’esprit : on est pauvre peut-être mais on reste quand même des chrétiens ; on a des choses à dire et on peut très bien faire comme tout le monde.
–Avec toutes les actions d’aides aux pauvres, on entend de plus en plus parler de diaconie. Donc je pense que ça commence à ouvrir les esprits, les faire réfléchir et depuis, c’est comme un mouvement en perpétuelle évolution. Lors de la dernière assemblée de la diaconie, la grande salle était remplie, donc ça montre que beaucoup de personnes s’y intéressent… Il y a un impact.
-Je pense que ce qu’on vit dans une assemblée de la diaconie, ça devrait aussi pouvoir se faire en petites communautés pour les paroisses pour que les prêtres qui y sont venus puissent apporter ce qu’ils ont reçu, pour que leurs paroissiens puissent savoir ce qu’on fait à l’assemblée, et qu’ainsi eux-mêmes puissent voir après, si ça peut les aider dans leur paroisse.
-C’est vraiment dans des réunions comme ça qu’on peut réellement trouver les personnes qui ont besoin d’aide. On parle d’un sujet ; ça regroupe les témoignages qui ont été donnés. Les personnes écoutent nos témoignages, ça leur permet de parler d’eux-mêmes et après, ça les aide pour eux-mêmes.
Commission Place et Parole des Pauvres
Diaconie 31 – Diocèse de Toulouse
La commission diocésaine Place et Parole des Pauvres est composée de personnes très pauvres, déjà en équipes (Bonne Nouvelle Quart Monde, Bartimée, Frères de la rue, Ouvriers de S. François, Secours Catholique) et délégués par ces équipes pour un mandat de trois ans, avec trois accompagnateurs dont deux membres du bureau de la Diaconie. Son travail consiste à préparer les assemblées diocésaines de la Diaconie et de fournir un texte qui sert d’amorce à la journée, à partir de la Parole des très pauvres et de la Parole de Dieu. Ce travail est enregistré, puis décrypté par des bénévoles, mot à mot, ensuite retravaillé par les accompagnateurs pour dégager une pensée et la mettre en forme, et enfin, relue, amendée et approuvée par les personnes très pauvres de la Commission. Ces personnes, qui vivent dans la précarité, ont cette capacité de laisser la Parole de Dieu s’incarner dans leur vie.
Pour en savoir plus sur Diaconie 31
Ce texte, dont nous ne publions que la deuxième partie « Et les prêtres dans tout ça ? », est le fruit du travail de tout un trimestre. Ecrit en lien avec l’intention de prière de ce mois, elle a été lue en introduction de l’Assemblée diocésaine de la Diaconie qui a eu lieu le samedi 18 mai à Fronton (31) : « Vulnérables, blessés, Jésus nous sauve. » Nous remercions le P. Gérard Delom, Prêtre accompagnateur de la Commission, de nous avoir permis de bénéficier de ce travail.
Pour lire une prière de la commission Place et Paroles des pauvres cliquer