Les soins palliatifs, un choix de société
Claire Fourcade, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France
Dans son allocution au congrès de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs, en septembre 2021, le docteur Claire Fourcade, sa présidente, s’adresse à ceux qui sont mobilisés dans les soins palliatifs, ouvre un débat, et partage la position de très nombreux soignants qui interviennent dans les lieux de fin de vie. Elle met en avant la vision d’une société qui ne maitrise pas tout mais où la solidarité vient au secours de la fragilité. Extraits.
« Nous tous, comme citoyens et comme personnes humaines, sommes concernés par cette question de la fin de la vie, par la mort qui nous attend tous, nous ou nos proches, et par les conditions dans lesquelles elle surviendra. Il est légitime d’avoir peur, de souhaiter donner son avis, d’envisager toutes les solutions sans exception : plutôt mourir que souffrir, plutôt mourir que mal vivre, plutôt mourir que seulement survivre. Nous sommes concernés.
Nous écoutons avec nos yeux pour mieux voir ce qui ne peut se dire, avec nos mains pour toucher ce qui fait souffrance…
Soignants ou bénévoles de soins palliatifs, nous accompagnons tous des personnes qui vivent à l’ombre de la mort. Nous les écoutons inlassablement. Pas seulement avec nos oreilles mais aussi avec nos yeux pour mieux voir ce qui ne peut se dire, avec nos mains pour toucher ce qui fait souffrance et avec tout notre corps, tendu pour mieux comprendre, pour être là, complètement. Ensemble patients et soignants, nous sommes impliqués.
Travailler en soins palliatifs, c’est reconnaître que l’homme est mortel et que la médecine n’est pas toute puissante.
Inlassablement revient dans le débat public la question de la mort donnée. Mort donnée par des soignants à ceux qui en feraient la demande. Chacun est « pour » ou « contre », chacun a un avis. C’est normal, nous sommes tous concernés. Mais nous tous ici qui sommes aux côtés de ceux qui partent, nous devrions alors préparer la seringue, dire au revoir à celui que nous avons appris à connaître en écoutant ses souffrances les plus intimes, le piquer et le regarder mourir. Nous sommes impliqués.
Donner la mort, ce serait aussi faire mourir le médecin à l’intérieur de moi.
Nous ne souhaitons ni prendre la vie, ni donner la mort à nos patients, même si ceux-ci nous le demandent. C’est un point de convergence pour l’immense majorité des soignants et des bénévoles intervenant en soins palliatifs. Est-ce un hasard si presque tous ceux qui côtoient au quotidien ces confins de la vie se rejoignent sur cette position du refus de la toute-puissance, si les résultats que nous venons de vous présenter sont en miroir quasiment inversé de ce qui s’exprime dans le débat public ?
J’ai déjà eu l’occasion d’écrire que, pour moi, donner la mort, ce serait aussi faire mourir le médecin à l’intérieur de moi. Comment ne pas devenir alors un gigantesque cimetière, une nécropole de champs de bataille ? Je ne veux pas devenir un monument aux morts.
Mais je ne peux pas non plus, nous ne pouvons pas, être sourds aux débats de notre société, à ses évolutions, à ses demandes. Nous devons les entendre car ils s’imposeront à nous. »
Lire l’allocution complète dans les actes du Congrès SFAP 2021, en page 130.
Extraits de l’allocation du Dr Claire Fourcade,
présidente de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP), septembre 2021