L’intelligence artificielle et la robotique au service de l’homme
Équipe FranceLes progrès techniques de l’intelligence artificielle et de la robotique s’introduisent partout dans nos sociétés et peuvent parfois nous laisser penser que leur prolifération n’est pas toujours orientée vers le bien de l’humanité. C’est un réel défi pour lequel le Pape François nous invite à prier ce mois-ci. Nous avons demandé à Jean-Marc Moschetta, enseignant chercheur à l’ISAE Sup-Aéro et à l’Institut catholique de Toulouse, de nous aider à entrer dans la réflexion et la prière à travers cet itinéraire spirituel.
Pas 1 : L’intelligence au cœur du projet de Dieu

Le Seigneur Dieu planta un jardin en Eden, à l’orient, et il y plaça l’homme qu’il avait formé. Le Seigneur Dieu fit germer du sol tout arbre d’aspect attrayant et bon à manger, l’arbre de vie au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais… Or le serpent était le plus rusé de tous les animaux. Il dit à la femme : « Vraiment, Dieu a dit : ‟ Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ” ? » Gn 2, 8-9 et 3, 1
Le récit de la création au jardin d’Eden en Gn 2-3 met en scène un serpent désigné comme « le plus rusé de tous les animaux ». D’emblée, le récit situe l’intrigue sur le plan de la ruse, de l’intelligence. Cependant, cette intelligence est ici associée à la bestialité, comme pour montrer que la notion d’intelligence peut être déliée de celle d’humanité. Certes, l’intelligence humaine surpasse de beaucoup celle des animaux les plus remarquables et plus encore celle des ordinateurs actuels. Mais le texte de la Genèse pointe autre chose : l’intelligence seule n’est pas la garantie d’une tension vers le bien. Et même au contraire. Avec les systèmes d’intelligence artificielle, on ne peut donc tenir pour acquis que plus les machines et les robots seront intelligents, plus ils tendront vers le bien. Comme la suite du récit de la Genèse le montre, le mauvais usage de l’intelligence de la part de l’homme, le conduit à sa perte. Pourtant, il n’est nullement dans l’intention de Dieu de le priver de sa capacité de penser, de juger, de choisir. La place centrale de l’arbre de la connaissance du bien et mal dans le jardin d’Eden suggère au contraire que le projet de Dieu est de donner sa pleine mesure à l’intelligence humaine. De l’accomplir en la divinisant.
– Dieu m’a donné une intelligence pour penser, communiquer, agir. Est-ce que je m’informe des progrès de la technologie aujourd’hui ? Est-ce que je réfléchis, seul ou avec d’autres, pour en discerner les aspects positifs et négatifs ?
Pas 2 : La vie en abondance

« Je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance » Jn 10, 10.
Cette abondance de la bonté vivifiante de Dieu – et même « surabondance », dit la Bible de Jérusalem – Jésus l’illustre dans les nombreux épisodes de guérison qui parcourent les évangiles. L’aveugle de naissance par exemple (Mc 10, 46-52) ne se contente pas de recouvrer la vue, faculté qu’il n’a jamais possédée, il gambade aussitôt et témoigne joyeusement de sa vie nouvelle. Cette guérison nous montre que Jésus ne se situe pas dans la seule médecine qui restaure, il est dans le don de la vie en plénitude. Une vie qui va au-delà de ce qui fait normalement la vie d’un homme. Parce qu’elle est promise à être divinisée, l’intelligence humaine est appelée ainsi à être accomplie pleinement au-delà de ses capacités « naturelles » à communiquer, à aimer, à pardonner, à comprendre, à penser. Elle appelle à un dépassement, et ce dépassement peut passer aussi par les moyens offerts par la technologie. En un sens, le Christ vient nous libérer de l’appréhension de la technologie au moins autant qu’il vient nous libérer de l’aliénation par la technologie.
– Est-ce que j’ai peur des découvertes technologiques et les rejette en bloc, sous le prétexte qu’elles peuvent nous déshumaniser ? Au contraire est-ce que je rends grâce pour les progrès que certaines d’entre elles apportent à l’humanité – dans le domaine médical en particulier ? Est-ce que je connais des exemples dans ce sens ?
Pas 3 : La technologie au service de l’humain

Moi-même, quand je suis venu chez vous, frères, ce n’est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. Car j’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus crucifié. 1 Cor 2, 1-2
Les succès de la robotique et de l’intelligence artificielle semblent constituer de nouvelles idoles devant lesquelles il s’agit désormais de s’incliner, et la technologie, ainsi érigée en idole, risque de s’imposer comme un nouveau culte dans nos sociétés développées. La parole chrétienne, si elle n’est pas contre la technologie, nous appelle à nous tourner, non vers le Dieu de Superman, mais vers le Dieu de Jésus-Christ qui se révèle dans l’abandon de la Croix. Car si le Dieu de Jésus-Christ est le Dieu du matin de Pâques, il est aussi un Dieu crucifié. La croix du Christ nous convoque à la contemplation d’un mystère de pauvreté et d’abandon de soi poussé à l’extrême limite, et la sagesse chrétienne nous incline à rechercher le sens plénier de nos vies, et le service des plus faibles. Et cela passe parfois par les prouesses de l’intelligence artificielle et de la robotique, lorsque celles-ci sont au service d’un réel progrès pour l’humanité.
A mon niveau, comment j’utilise la technologie mise à ma disposition (tel portable, ordinateur, robots ménagers…) ? Est-ce au service d’une plus grande liberté intérieure, d’une plus grande communication et relation avec les personnes ? Cela peut-il être parfois une aliénation ?
Jean-Marc Moschetta