Comment inventer à nouveau des formes sacrales adaptées aux besoins d’une mission vécue dans une société sécularisée, désacralisée?
Le symbole du Cœur reste toujours aussi fondamental. Qu’en est-il cependant de sa figuration dessinée ? Elle joue un rôle massif dans les média, notamment publicitaires. Ils contribuent, avec la bande dessinée, à inscrire dans notre culture tout un code de significations que nous devons utiliser sans en avoir la maîtrise. Qui emploiera le graphisme du cœur pour transmettre le message chrétien, regardera avec précision quel sens lui donne sa liaison avec les autres signes explicites ou implicites qui l’accompagnent et qui lui donnent sens. Qui dessine en s’adressant à nos contemporains, doit apprendre à relire ce qu’il a dessiné pour vérifier que ce qu’ils comprennent n’est pas tout autre chose que ce qu’il voulait leur faire entendre.
Les mots ‟sacré” et ‟cœur” ne peuvent plus être employés sans tenir compte des transformations de notre culture et sans entrer dans les systèmes d’expression de l’emblématique contemporaine. Il ne faudrait pas qu’un retour à la dévotion au Sacré-Cœur encourage en fait une paresse qui dispenserait de recevoir la grâce d’invention que l’Esprit Saint a accordée à Marguerite-Marie pour parler au peuple de son temps, et qu’il nous accorde encore.
Inventons donc pour pouvoir transmettre le message. Écrivons, dessinons, proposons des pratiques spirituelles de dévotion, mais relisons ce que nous avons écrit, dessiné ou proposé pour vérifier que le message est bien reçu selon la rigueur de vérité qui fut celle de Marguerite-Marie comme de la multitude des saints qui l’ont précédée et de ceux – nous sommes mystérieusement appelés à en être – qui lui succèdent.
D’après l’article d’Adrien Demoustier, publié dans le n°139 de la revue Christus
P. Adrien Demoustier, jésuite, a été longtemps professeur d’histoire de la spiritualité aux Facultés jésuites de Paris. Voir sa bibliographie