Le cœur dans l’Écriture Sainte – Père Nicolas Steeves sj (Extraits tirés d’articles écrits pour le Réseau Mondial de Prière du Pape France)
Un Cœur qui se laisse découvrir
Les amis de ce Cœur connaissent bien les apparitions de Notre-Seigneur à Sainte Marguerite-Marie à Paray-le-Monial entre 1673 et 1675 et le développement qu’a ensuite pris cette dévotion. Mais avant cela, ce Cœur n’était pas totalement ignoré des hommes !
Nous allons examiner ensemble cette riche histoire. Nous enrichirons ainsi la palette de couleurs avec laquelle nous imaginons le sanctuaire du Cœur divin dans nos propres cœurs… Pour nous aujourd’hui, et depuis le 18ème siècle, le mot « cœur » évoque surtout les sentiments amoureux : pensons à la Saint-Valentin, ou à tous les logos que les jeunes utilisent en ce sens ! Mais il n’en a pas toujours été ainsi et, dans l’Écriture sainte par exemple, le « cœur » (en hébreu, lev) désigne autre chose.
Le cœur dans l’Ancien Testament
Dans l’Écriture sainte, le « cœur » désigne le « lieu intérieur » où l’on discerne et prend des décisions. Ceci vaut pour Dieu, comme pour l’être humain. Ainsi, dans l’histoire du déluge (Livre de la Genèse, chap. 6), Dieu « s’afflige dans son cœur » parce que le « cœur de l’homme n’est porté qu’à concevoir le mal ». Dès le premier livre de la Bible, on voit que le cœur humain affecte le Cœur divin!
Le cœur, lieu où l’on pèse les choses pour décider, lieu où l’on est affecté, est aussi le lieu du courage : dans l’histoire de Joseph vendu par ses frères, ceux-ci « manquent de cœur », c’est-à-dire sont terrifiés, lorsqu’ils voient leurs sacs remplis d’argent (Genèse 42,28). « Courage » et « cœur » sont d’ailleurs cousins sur le plan linguistique.
Dès lors, on voit se dessiner dans la Bible une vision de l’être humain (les théologiens diraient une « anthropologie ») liée à la qualité de son cœur, suivant qu’il est dur ou tendre. Le parangon du « cœur endurci », c’est bien sûr Pharaon, au livre de l’Exode. Cette dureté empêche Pharaon d’entendre les cris du peuple qui souffre en esclavage ; son cœur dur causera sa chute en même temps que la libération d’Israël.
Mais le Dieu d’Israël trouve souvent que son peuple lui-même a le cœur endurci. C’est pourquoi la prophétie d’Ezéchiel est centrale : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. » (Livre de Jérémie, chap. 36,26) Il est vraiment intéressant de noter comment la conversion s’exprime ici en termes de changement de cœur. Il ne s’agit pas juste de changer ses sentiments. Il s’agit aussi pour l’être humain de changer sa façon de voir le monde et d’agir. Pour exprimer la radicalité de la conversion et sa profondeur, c’est l’image du cœur que retient le prophète. Le cœur apparaît comme le centre le plus profond de la personne. Plus tard, des chrétiens verront dans le signe du Cœur humain du Verbe incarné l’accomplissement de la prophétie d’Ezéchiel.
Dans la perspective chrétienne, le Cœur du Christ apparaît aussi comme le lieu où la Loi donnée par Dieu pénètre enfin le cœur humain. « Voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël… Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. » (Livre du prophète Jérémie chap. 31,33)
Le mot ‟cœur” dans le Nouveau Testament
Ce qui saute d’abord aux yeux, c’est la continuité du symbole du cœur entre les deux Testaments. Saint Paul, saint Jean, les évangélistes, utilisent tous le cœur pour symboliser ce qu’il y a de plus profond dans l’homme. « Si, de ta bouche, tu confesses que Jésus est Seigneur et si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. » (Lettre de St Paul aux Romains chap. 10, v.9) Le cœur est le lieu de la foi. Ainsi, c’est au cœur de l’homme que Dieu entend opérer son salut.
Le Cœur de Jésus est mentionné à un seul endroit : dans l’Évangile selon St Matthieu chapitre 11, v. 29, quand le Seigneur se déclare lui-même « doux et humble de cœur ». Il faut noter qu’à la Passion, c’est le côté (en grec, pleura, cf. plèvre) transpercé du Christ dont parle Jean l’évangéliste (chap.19, v.34), même si la Tradition y a vu une référence au cœur ouvert. De même, dans l’Évangile selon Saint Jean chap. 7, v. 38, c’est du « sein » ou du « ventre » (en grec, koilia) de celui qui croit que couleront les « fleuves d’eau vive », même si la piété l’a traduit souvent par le mot « cœur ».
Qu’en est-il des disciples ? Pour ceux qui suivent le Christ, le cœur apparaît comme l’endroit où se vit la rencontre et l’imitation de Jésus. Jésus lui-même en parle dans les Béatitudes :
« Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu. » (Évangile selon St Matthieu chap. 5, v. 8) Les disciples d’Emmaüs reconnaissent ainsi la présence du Seigneur ressuscité à leurs côtés de par leur « cœur brûlant, tandis qu’il (leur) parlait en chemin en (leur) ouvrant les Ecritures. » (Evangile selon St Luc chap. 24, v.32) Le cœur est le lieu de la consolation spirituelle et de la rencontre avec Dieu. La première communauté chrétienne sera alors heureuse de prier « d’un même cœur » (Livre des Actes des Apôtres chap. 1, v.14) et de vivre une grande unité communautaire : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme. » (Livre des Actes des Apôtres chap. 4, v.32) Il s’agit ici d’imiter ensemble le Christ, qui permet d’unifier les cœurs de l’Eglise naissante.