Pour une paix contagieuse
Marie-Anne Dussaut
Favoriser la paix sur son lieu de travail est parfois mission impossible… Dans des circonstances particulièrement difficiles, Marie-Anne témoigne de la force et la paix reçues dans la prière et des beaux fruits qu’il en est résulté autour d’elle.
« Pendant vingt-cinq ans, j’ai exercé la fonction de directrice d’établissement médico-social. Le premier, un IMP, accueillait quarante enfants de six à douze ans atteints de troubles psychiques, avec une trentaine de salariés de catégories différentes : médicales, éducatives, pédagogiques et de service. Le second était un établissement d’enseignement général et professionnel adapté à des jeunes de douze à seize ans issus de banlieue lyonnaise houleuse.
Après un week-end dans leur lieu de vie, les enfants et les jeunes revenaient déstabilisés le lundi. Une ambiance explosive retenait notre attention ; elle pouvait exiger la présence de la police ou du corps médical. Le personnel était envahi de désarroi, de peurs, de colères et compensait cette situation par des rituels conviviaux noyant la problématique ou bien générait des conflits soudains. J’appréhendais cela dès la veille.
Alors je m’appuyais sur la Parole de Dieu
« Le royaume de Dieu ne consiste pas en des questions de nourriture ou de boisson ; il est justice, paix et joie dans l’Esprit-Saint. Celui qui sert le Christ de cette manière plaît à Dieu, et il est approuvé par les hommes. Recherchons donc ce qui contribue à la paix, et ce qui construit les relations mutuelles.» Rm 14,17-19
Pourtant c’est dans ce contexte que le lundi, jour redouté, les réunions se déroulaient. Dès le matin, nous accueillions sur le seuil de l’établissement tous les élèves en les saluant. Au fond de mon cœur, je disais silencieusement autant pour les élèves que pour les adultes :
« La paix soit avec vous »
et je demandais à notre Seigneur de nous bénir. Je me surprenais à retrouver mon calme. Je ne prenais pas ce jour mon déjeuner avec le personnel afin de prendre un temps de détente et de prière à mon domicile avant les concertations de l’après-midi. Je m’installais dans mon coin-prière, tournée vers le jardin baigné de lumière. Choisissant une posture, après un signe de croix, je laissais descendre le silence intérieur à l’aide de la respiration ; des mots montaient à mes lèvres dans une demande de grâce. Les mains desserrées lâchaient les soucis retenus.
« Que Ta Volonté soit faite…Donne-nous le Pain de ce jour… »
Ou bien je choisissais un Évangile qui relatait une situation éprouvante pour Jésus. Je l’écoutais parler, je regardais ses attitudes. Je lui demandais de l’aide. Lui parler m’apaisait totalement. Mon regard sur les événements changeait. Je redevenais confiante.
Lors de la réunion de concertation qui s’ensuivait, j’essayais d’avoir un visage paisible, un regard droit, une parole posée sur la respiration. Je LUI demandais de faire descendre Sa Paix et de me guider. Je donnais un ordre du jour pour lequel je demandais l’approbation. Je m’efforçais d’être en relation avec chacun faisant répéter, éclaircir, approfondir les propos énoncés. Je portais attention aux attitudes, aux non-dits, à faire ressortir le positif. Une tranquillité s’installait. Des consensus pouvaient se trouver, des décisions être envisagées. La concertation se terminait dans un climat amical autour de boissons et gourmandises diverses. Un second souffle était pris. Il permettait de retrouver les jeunes plus paisiblement. Ceux-ci le ressentaient.
J’ai appris ainsi, jour après jour, à lâcher ma vie. Violences, colères, malheurs, révoltes peuvent encore m’habiter, m’obligeant à les examiner et à les traiter. La dernière attache cédera t’elle au jour ultime ? Avant ce temps, j’apprends ce que veut dire glorifier. Mes mots sont insuffisants pour remercier Celui qui donne La Vie. »
Marie-Anne Dussaut