Quand la violence en Église détruit la vie présente et à venir
Le Réseau Mondial de Prière du Pape
Isabelle* a été victime de violences sexuelles infligées par un religieux. Elle nous partage ici un peu de son histoire. Qu’elle en soit vivement remerciée.
Vous avez subi des violences sexuelles infligées par un clerc, pouvez-vous nous partager votre chemin de croix d’hier et d’aujourd’hui ?
Les violences sexuelles que j’ai subies ont eu lieu à l’âge de 13 ans dans un établissement de religieux enseignants. Après des jours d’attouchements, un religieux m’a soudain brutalement coincée contre une table et m’a violée. Je me souviens de la terreur qui m’a envahie. J’ai cru qu’il allait me tuer. J’étais paralysée, sidérée, le souffle coupé comme si j’allais étouffer. Mon cerveau a disjoncté. Je me suis dissociée. L’amnésie traumatique s’est installée. Je me sentais perdue, en danger et en décalage avec les autres.
Une partie de moi est morte, la jeune fille que je devais devenir.
Ma souffrance incomprise m’a exposée à des rejets et des humiliations par mon entourage. Les manifestations inconscientes de cette souffrance étaient et sont encore interprétées comme des gestes d’hostilité. J’étais totalement colonisée par la violence de l’agresseur, le fracas et ses conséquences durables qu’elle avait provoquées. La honte et la culpabilité se sont mêlées. Une partie de moi est morte, la jeune fille que je devais devenir. Ce trauma s’est enkysté dans mon psychisme telle une zone obscure verrouillée inaccessible. Un mur d’incompréhension s’était dressé entre moi et les autres qui ne tombe toujours pas.
J’étais à terre et pour survivre, je me réfugiais dans le corps de Jésus mort, descendu de la croix.
A la lecture de la Lettre du pape François au Peuple de Dieu, ma mémoire a reçu un électrochoc. Puis les souvenirs traumatiques ont tenté de se frayer un chemin avec force jusqu’à ma conscience. Mais « ça » résistait et je me sentais mal. En lisant un témoignage, j’ai reconnu que c’était ce que j’avais subi, moi aussi. Alors, des souvenirs plus précis ont commencé à remonter par flashs avec la violence d’un séisme. La colère et le dégoût m’ont envahie en découvrant que l’Eglise avait protégé les agresseurs et ignoré ses victimes. Mes démarches de libération de ma parole ont été un parcours de combattante qui m’a imposé une double peine tant je me suis heurtée au déni, au refus d’écouter et à l’indifférence. J’étais à terre et pour survivre, je me réfugiais dans le corps de Jésus mort, descendu de la croix.
Qu’est-ce qui a été atteint en vous ?
Ma capacité à faire confiance et l’estime de moi ont été détruites, ce qui a rendu tout engagement compliqué. Je ne me sentais pas autorisée à vivre en raison d’un sentiment de culpabilité tenace inoculé par l’agresseur qui avait projeté sa culpabilité en moi.
Je ne me sentais pas autorisée à vivre.
Un profond sentiment d’insécurité me maintenait constamment en état d’alerte. Mon combat pour survivre m’a épuisée. De plus, ma relation à Dieu-Père avait été détériorée par ce religieux qui avait gravement trahi ma confiance. Dieu était une figure d’autorité paternelle menaçante, susceptible de me rejeter. J’avais peur de Dieu.
Qu’est-ce qui vous a aidée à avancer ?
Avant tout la prière et la Parole de Dieu quotidienne.
Des entretiens avec des professionnels de France Victimes, une rencontre avec un prêtre formé à la victimologie, des lectures de psychologie et de spiritualité, des chants de Taizé et avant tout la prière et la Parole de Dieu quotidienne.
Qu’attendez-vous de l’Eglise ?
Qu’elle devienne une auberge du Samaritain, prenne soin des victimes, leur apporte la consolation, soit en dialogue avec elles, à l’écoute de leurs besoins et ne se montre plus indifférente et sourde à leur cri, qu’elle ne sème plus la mort.
Comment chacun peut-il aider les personnes qui ont été victimes ?
Les personnes victimes ont besoin d’être écoutées, qu’on leur dise avec douceur : « je te crois », « tu n’y es pour rien ». Briser la solitude de leur souffrance qui évolue avec le temps serait déjà un petit acte de justice et de fraternité réparatrice.
Isabelle* (prénom d’emprunt) et le Réseau Mondial de Prière du Pape
Je compatis avec cette victime et espère qu’elle guérira. Sa vie d’adulte doit être impactée…
Prions pour elle et les autres victimes… Comment de tels prêtres peuvent-ils continuer à célébrer et à donner les sacrements…
Oremus
Richard