Retrouver le cœur du métier : soigner, écouter…
Marianne Cébron, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France
Ils sont tous les deux internes en médecine. Leurs témoignages sur leurs difficultés, leurs doutes, mais aussi leur engagement et le grand respect qu’ils ont pour leur profession devraient nous interpeller. Quel fardeau faisons-nous porter collectivement à ces jeunes adultes en formation ? Au printemps 2020, nous avons applaudi les personnels de santé. Continuons à les soutenir comme nous le pouvons et notamment à prier pour eux.
Clara, 27 ans, interne en pédiatrie
En choisissant la spécialité pédiatrie, je voulais soigner, inspirer du courage aux enfants et les accompagner ainsi que leurs parents. Dans la réalité, j’ai surtout appris et expérimenté qu’en étant trop fatiguée, il n’est plus possible d’aider quiconque. Médecin, c’est un métier particulier mais est-ce qu’au nom de la vocation, on peut demander tout et n’importe quoi ? On ne peut pas être tout le temps engagé à 200 %!
En étant trop fatiguée, il n’est plus possible d’aider quiconque
Nous avons énormément de travail à l’hôpital : des semaines qui peuvent aller jusqu’à 75 heures, des gardes de 24 heures, des absences non remplacées, des chefs surchargés, et une absence d’encadrement la nuit parfois. Tout cela conduit à un épuisement généralisé, à ne plus avoir envie de voir un nouveau patient, à perdre patience, et en fin de compte à être mécontente de soi. Tout le monde souffre du manque de personnel, du manque de temps et de la dégradation des conditions de travail : les chefs, les internes, les infirmiers/infirmières. Pour tenir le coup, il faut être très solide dans sa vie personnelle.
Néanmoins j’aime ce que je fais. C’est un métier qui a du sens : on écoute la souffrance des personnes, on accueille le don de leur intimité et on essaie de trouver une solution au problème de santé qui se pose.
Jean, 25 ans, interne en anesthésie-réanimation
J’ai fait médecine pour soigner, réparer, guérir des personnes. C’est un métier qui touche au cœur de l’humain parce que la santé est un besoin essentiel. Être auprès de la souffrance et de la mort est une expérience humaine marquante.
En ce moment, nous sommes en sous-effectifs à tous les niveaux. La charge de travail ne cesse de croître. Nous sommes censés poursuivre notre formation mais nous avons déjà des responsabilités énormes.
On se retrouve à essayer de faire accepter son malade comme si on vendait un produit
En plus, il y a une pression dingue pour faire sortir des patients et libérer des lits. Au lieu de soigner, on passe un temps fou à chercher des solutions administratives pour la sortie des patients en centre de soins de suite, en Ehpad… Les assistantes sociales sont elles-mêmes surbookées. On se retrouve à essayer de faire accepter son malade comme si on vendait un produit. On essaie de « le rendre beau ». Comme il y a peu de place, on finit par le voir non plus comme quelqu’un à soigner mais comme un plan social. Parfois, j’ai eu l’impression d’avoir envie de m’en débarrasser…
Il nous faudrait moins de patients à charge, être déchargé des questions administratives, avoir ce temps pour retrouver le cœur du métier : soigner, écouter, aller au fond des choses. Dernièrement un patient a fait un arrêt cardiaque devant moi à l’hôpital. Il a été sauvé. C’est ça qui nous fait tenir, être là, pouvoir agir pour que des personnes continuent à vivre.
Propos recueillis par Marianne Cébron, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France