Trois pas dans la bible
pour devenir enfants d’un même Père
Pierre Frappé, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France Prions pour que les enfants qui souffrent – ceux qui vivent dans la rue, les victimes des guerres, les orphelins – puissent avoir accès à l’éducation et retrouver l’affection d’une famille.
En recherchant le terme enfant dans l’Ancien Testament, on découvre l’innocence, disponible chez Samuel, menacée comme Moïse, massacrée en Abel, ou humble avec David. Mais presque toujours, enfant renvoie à la descendance et à la tristesse de la stérilité. Et orphelin pêche le triplet la veuve, l’orphelin et l’immigré… inséparables dans la douleur.
La stérilité y est vécue comme une honte et un déshonneur : « Pourquoi donc Dieu ne donne-t-il pas ? » Par son absence, l’enfant est là, douloureux creux au ventre pour les couples en espérance d’enfant. Que nous manque-t-il donc de si poignant, qui nous fait si mal ? Seulement une descendance ? Une légitimité ?
Dans nos sociétés, beaucoup de normalités nous étreignent. Or, une norme humaine, même nécessaire, fait porter un poids à ceux qui ont une vision ou un ressenti différents des nôtres, à ceux qui ne s’en sentent pas capables, à ceux qui, sincèrement, ne s’y retrouvent pas…
Les rôles que nous donnons aux enfants, les cases dans lesquels nous les mettons, sont aussi des poids : enfant soldat, fille non éduquée ou chère à cause de la dot, fille à marier, bras pour la famille, bâton de vieillesse, orphelin, porteur de handicap, différent, mauvais élève ou mauvaise graine…
Quand le regard social n’est pas accueillant, c’est toute la famille qui porte ce poids et, parfois, se venge sur l’enfant innocent. Nous avons tous une part à prendre ensemble dans ces différences à accepter.
Dans l’Évangile, il nous est raconté combien Jésus aime les enfants pour eux-mêmes, à une époque où l’enfant n’a pas de place personnelle dans la société. Jésus n’est pas dérangé par leur brouhaha, leur chahut. Il les aime, les embrasse et les bénit.
Pour Jésus, seul le plus petit révèle la présence de Dieu. Il place l’enfant au milieu de nous et nous demande d’être comme lui. C’est-à-dire ?
À travers les exclus et les réprouvés qu’il relève avec tendresse et sans jugement, il nous invite à accompagner, porter et relever les personnes pour qui l’arrivée d’un enfant est vécue comme une charge, voire une catastrophe : celles qui se sentent dépassées, encore plus petites que leur enfant. Jésus nous invite à continuer d’aimer les personnes méchantes avec les enfants ou les petits. Lui sait que l’amour pour ces personnes enfermées peut changer un cœur de pierre en cœur de chair. La nuit de son procès, Jésus interroge le garde qui le gifle : « Qu’y a-t-il en toi qui te pousse à battre un innocent ? » Dieu est désarmé comme l’enfant innocent dont on abuse. Or, ne nous arrive-t-il pas à chacun de ressentir, un jour de colère ou de désemparement, ce mauvais en nous qui nous rend capable de donner une pierre à son enfant plutôt que du pain, de gifler sans raison… Nul n’est exempt de la tentation ou du débordement.
Jésus nous aime aussi comme ses frères et sœurs, nous la famille humaine, enfants d’un même Père, son Père. En Jésus, Dieu lui-même s’est révélé enfant. Dieu est un enfant au milieu de nous.
Un pas : apaiser notre inquiétude viscérale

Abram répondit : « Mon Seigneur Dieu, que pourrais-tu donc me donner ? Je m’en vais sans enfant, et l’héritier de ma maison, c’est Élièzer de Damas. » (Genèse 15,2)
Il y a dans l’être humain, et dans toute la nature, un désir de Vie éternelle. Or, elle passe par la faiblesse et l’inattendu de l’enfant. Le Royaume est une graine semée au hasard des terres et des chemins. La Vie ne se décide pas seulement : elle se reçoit d’abord. L’enfant ni ne se fabrique ni ne se décide : il est donné. Par Dieu.
Mon Dieu, tu vois en moi mon désir d’importance, de permanence, de certitudes… Il peut me conduire à l’angoisse de disparaitre, à la honte de l’échec, à la perte de la confiance, à la dureté. Mon Dieu, donne-moi un regard d’enfant.
Deux pas : nous blottir en Dieu comme un enfant

Je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère. (Psaume 130)
Prier comme un enfant blotti contre Dieu. Adulte, je dois « tenir » mon âme, égale, silencieuse. Je dois me faire petit et redevenir un enfant. Juste vouloir être bien, monter sur ses genoux. Parfois jouer avec sa barbe. Ou confier le fond de son cœur. Dieu est grand-père et grand-mère. Il ressent la souffrance de ses petits-enfants. Il fait aussi la différence entre petits et grands malheurs.
Mon Dieu, j’ouvre ma porte : vient te blottir chez moi. Est-il vrai que tu as besoin de nous ? Que nous avons besoin l’un de l’autre ?
Trois pas : fêter le retour de l’enfant

Jésus, prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. » (Mc 9,36-37)
Qui est trop petit pour moi ? Qui est trop « différent » pour moi ? Pourquoi ai-je du mal à le placer « au milieu » de ma vie ? Qu’est-ce qui coince en moi ?
Celui qui fait le mal, n’est-il pas encore plus pauvre ? Peut-être n’a-t-il jamais pu être enfant ? Ou l’enfant en lui est mort ?
Délaisser le troupeau pour retrouver la petite qui s’est perdue, courir au-devant de l’enfant prodigue revenu à la vie, pardonnez à ceux qui font les choses les plus terribles aux plus petits : n’a-t-il pas qu’un cœur de Père enfant pour oser cette folie ?
Mon Dieu, est-ce que j’ose te demander un peu de cette folie ?
Un pas, deux, trois : soleil !
Pierre Frappé, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France