Trois pas dans la Bible pour se sentir appelés à la miséricorde
Père Pierre Protot, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en FranceLe père Pierre Protot est aumônier de prison au centre de détention de Muret (Haute-Garonne). Il côtoie des détenus concernés par ces condamnations à perpétuité qui sont en détention depuis plus de 40 ans.
Pas 1 : Le repentir plutôt que la mort

« Et Yahvé mit un signe sur Caïn afin que quiconque le trouve ne le frappe pas. » Genèse 4,15
Avec le premier meurtre d’Abel par son frère Caïn, nous sommes en présence de la racine de la violence contre la vie. Ainsi l’écrit Saint Jean-Paul II dans Evangelium Vitae (§ 8 et 9) :
« Caïn est ‘très irrité’ et il a le visage ‘abattu’ parce que ‘le Seigneur agréa Abel et son offrande’ (Gn 4, 4) […] La jalousie et la colère l’emportent sur l’avertissement du Seigneur, et c’est pourquoi Caïn se jette sur son frère et le tue […] Caïn est maudit par Dieu et il est puni: il habitera dans la steppe et dans le désert. Caïn sera ‘un errant parcourant la terre’ (Gn 4, 14): l’incertitude et l’instabilité l’accompagneront sans cesse. Toutefois Dieu, toujours miséricordieux même quand il punit, « mit un signe sur Caïn, afin que le premier venu ne le frappât point » (Gn 4, 15): il lui donne donc un signe distinctif, qui a pour but de ne pas le condamner à être rejeté par les autres hommes mais qui lui permettra d’être protégé et défendu contre ceux qui voudraient le tuer, même pour venger la mort d’Abel. Meurtrier, il garde sa dignité personnelle et Dieu lui-même s’en fait le garant. Et c’est précisément ici que se manifeste le mystère paradoxal de la justice miséricordieuse de Dieu, ainsi que l’écrit saint Ambroise: « Comme il y avait eu fratricide, c’est-à-dire le plus grand des crimes, au moment où s’introduisit le péché, la loi de la miséricorde divine devait immédiatement être étendue ; parce que, si le châtiment avait immédiatement frappé le coupable, les hommes, quand ils puniraient, n’auraient pas pu se montrer tolérants ou doux, mais ils auraient immédiatement châtié les coupables. (…) Dieu repoussa Caïn de sa face et, comme il était rejeté par ses parents, il le relégua comme dans l’exil d’une habitation séparée, parce qu’il était passé de la douceur humaine à la cruauté de la bête sauvage. Toutefois, Dieu ne voulut pas punir le meurtrier par un meurtre, puisqu’il veut amener le pécheur au repentir plutôt qu’à la mort ».
Quel regard portons-nous sur tous les Caïn de la terre ? Préférons-nous notre façon de penser ou bien accueillons-nous le regard de Dieu qui nous invite à l’imiter dans sa miséricorde ? Que notre prière se laisse scruter par ce regard divin.
Pas 2 : Des paroles de vie

« Honore ton père et ta mère, afin d’avoir une longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu. Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne commettras pas de vol. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. » Exode 20
La Loi sainte de Dieu est révélée par Dieu à Moïse à travers ces dix paroles de vie, et nous considérons particulièrement cet interdit : « Tu ne commettras pas de meurtre. » Jésus dans l’évangile reprendra évidemment cette loi, et même, dans le sermon sur la Montagne, il ira plus loin, jusqu’au cœur de l’homme d’où naissent les actions bonnes et mauvaises : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il devra passer en jugement. Eh bien ! Moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal. Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la géhenne de feu. » (Matthieu 5, 21-22)
Oui, la vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte « l’action créatrice de Dieu » et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin. Dieu seul est le Maître de la vie, de son commencement à son terme. Personne, en aucune circonstance, ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent. Avançant dans le temps, la Tradition de l’Église a toujours enseigné unanimement la valeur absolue et permanente du commandement « tu ne tueras pas ». Si l’on doit accorder une attention aussi grande au respect de toute vie, même de celle du coupable et de l’injuste agresseur, le commandement « tu ne tueras pas » a une valeur absolue quand il se réfère à la personne innocente. C’est pourquoi la légitime défense et la défense de la société peuvent conduire à la mort d’individus, comme dans le cadre d’une guerre ou d’une agression. Mais « si les moyens non sanglants suffisent à défendre les vies humaines contre l’agresseur et à protéger l’ordre public et la sécurité des personnes, l’autorité s’en tiendra à ces moyens, parce que ceux-ci correspondent mieux aux conditions concrètes du bien commun et sont plus conformes à la dignité de la personne humaine ». (Evangelium Vitae, § 56)
Comme Jésus nous y invite, reconnaissons la violence qui est aussi en nous, que nos colères, nos insultes, et nos jugements péremptoires révèlent, et demandons-lui sa douceur et sa protection pour ne pas aller plus loin dans le mal.
Pas 3 : Il n’est pas venu pour condamner le monde mais pour le sauver

« Il se redressa et lui demanda : ‘Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ?’ Elle répondit : ‘Personne, Seigneur.’ Et Jésus lui dit : ‘Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus.’ » Jean 8
Les scribes et les pharisiens amènent à Jésus une femme prise en flagrant délit d’adultère. Jésus se tait, incline la tête et écrit sur le sol. Puis seulement, Il prononce une parole : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre ! »
Par cette seule parole, Jésus invite à la prise de conscience que nous sommes tous pécheurs et que Dieu seul a le pouvoir de juger et de condamner. Après un nouveau silence qui a laissé à chacun le temps de faire la vérité, Il s’adresse à la femme : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? ‘Personne, Seigneur’ Moi non plus, je ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus. »
Celui qui seul était sans péché n’a pas jeté la pierre. Car Il n’est pas venu pour condamner le monde mais pour le sauver. La femme est relevée et repart en ayant retrouvé une dignité. La rencontre avec le Christ a éveillé en elle le désir profond de mener une vie nouvelle. Quand l’amour et la vérité se rencontrent, cela peut faire des merveilles dans le cœur humain, le plus endurci soit-il ! Le Bienheureux Père Lataste a eu cette intuition forte que les prisonniers, coupables d’actes graves pouvaient comme la femme adultère faire l’expérience de l’infinie miséricorde de Dieu et mener une vie nouvelle !
« La miséricorde de Dieu, au lieu d’être arrêtée par notre faute, s’en est accrue au contraire. Là où la faute avait abondé, surabonde la grâce (Rm 5, 20). Dieu a semblé dire à l’homme : Tu pensais avoir desséché par ta malice la source de mes bontés, ingrat ! Eh bien, non ! Tu n’auras pas le dernier mot ; plus tu as été mauvais et plus je serai bon, plus tu es coupable et plus je serai miséricordieux, et tu apprendras qu’il n’est rien au monde qui puisse se mesurer à ma miséricorde et à ma bonté. Dieu n’a pas dit cela mais il l’a fait. C’est ainsi que Dieu parle. Et c’est pourquoi le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. Il ne lui a plus suffi de nous inonder du haut du ciel de sa miséricorde, il a voulu compatir lui-même à nos peines et pour cela les endurer avec nous et comme nous, car pour compatir véritablement il faut bien pâtir. » Sermon 94 du Père Lataste prononcé à la prison de Cadillac le 17 septembre 1864.
Demandons à Celui qui seul est juste de pouvoir l’imiter dans son silence miséricordieux et dans son intercession silencieuse pour que chacun se convertisse et revienne à son cœur profond appelé par l’Amour à l’amour.
Père Pierre Protot, aumônier au centre de détention de Muret (Haute-Garonne),
et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France
A lire aussi :
L’état des lieux de la peine de mort dans le monde, et Les textes internationaux en faveur de l’abolition, par Bernadette Forhan, vice-présidente catholique de l’ACAT.
La peine de mort dans l’histoire de l’Église, par Guy Aurenche.