Un foyer d’accueil, pour lâcher prise, se reconstruire.
Propos recueillis par Claire, Equipe France.
Animatrices à Poitiers, dans un foyer chargé de l’accueil de femmes victimes de violence et ayant un enfant en bas âge (moins de 3 ans), Noémie et Edith témoignent pour nous. Elles mettent l’accent sur l’accueil et la confiance dont ces personnes ont besoin au cours du long chemin de reconstruction.
« Le foyer dans lequel nous accueillons des femmes-jeunes mamans, a ouvert en 1990. Le projet a été porté, à l’origine, par le Diocèse qui voulait créer un centre d’accueil pour des femmes en détresse.
Aujourd’hui, il est centré d’abord sur l’accueil mère-enfant. Une équipe éducative accompagne ces femmes dans toutes les dimensions de leur vie. Ainsi, les profils des accueillies sont très différents et chaque situation doit être accompagnée dans sa singularité.
Petit à petit, le lien de confiance se crée avec l’équipe éducative et nous nous rendons compte qu’au-delà des violences physiques, chacune a, dans son histoire, des vécus traumatiques (vécus de placement, emprise par la famille ou par le conjoint, image dévalorisée d’elle-même…).
Avec une présence éducative en continu et au quotidien, il n’est pas rare qu’au détour d’un temps ordinaire (vaisselle, ménage, café), les femmes nous livrent des bouts de leur histoire… Notre rôle est alors d’être disponibles, à l’écoute, pour qu’elles puissent « lâcher-prise ».
Par la suite, nous les aidons à aller de l’avant en mettant en place des suivis par des professionnels (psychologue, insertion, social, justice…).
Dans le même temps, notre travail consiste à les accompagner dans la relation à leur enfant, à mettre des mots sur les violences qu’il a subies indirectement, – lui aussi est souvent victime -, afin qu’il puisse grandir et se développer plus sereinement.
Certaines sont accueillies à la suite de violences intra-familiales graves (violences physiques dans leur couple, dans leur belle-famille) qu’elles ont dû fuir. S’extirper de ce contexte est un chemin complexe car la culpabilité est extrêmement présente et souvent, ces femmes sont sous l’emprise de leur agresseur. D’ailleurs, pour certaines, l’emprise étant trop forte, se penser victimes n’est tout simplement pas encore possible. Il leur arrive alors de retourner vivre auprès de lui.
Pour les femmes pouvant se reconstruire, le traumatisme est tel que le moindre événement rappelant les violences vécues (cris, altercations) vient raviver leurs angoisses. De même, les souvenirs évoqués lors de notre accompagnement peuvent être à l’origine d’une reviviscence des coups allant jusqu’à l’apparition d’hématomes sur leur corps.
La reconstruction passe aussi par la reconnaissance judiciaire du statut de victime. La femme a besoin de se savoir victime, pour sortir du sentiment de culpabilité et aller de l’avant.
Pour les femmes, être accueillies est essentiel. Elles nous partagent volontiers leur besoin de se poser et de se sentir en sécurité quelque part pour reconstruire leur vie avant de se projeter dans un lieu de manière autonome. Notre présence au quotidien se veut rassurante pour les aider à poursuivre leur chemin de vie en tant que femme. »
Propos recueillis par Claire, Equipe France.