Une conscience qui s’éclaire
Marianne Cébron et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France
Marianne revient ici sur son parcours de jeune puis de femme adulte qui porte un regard sur la peine de mort. Par sa réflexion, ses lectures, ses échanges, sa prière, son regard a évolué. Elle témoigne ici de ce cheminement personnel qui rejoint beaucoup de ceux qui veulent à la fois que la justice soit rendue et que la dignité profonde de l’homme soit reconnue et respectée.
« Et s’ils s’étaient trompés ? Si ce n’était pas lui le coupable ? »
C’est par le biais de l’erreur judiciaire que s’est formée mon opposition à la peine de mort au sortir de l’adolescence. L’idée même qu’un être humain innocent puisse être mis à mort par erreur m’horrifiait, et les récits de personnes sauvées in extremis par un témoignage ou les aveux d’un autre ne manquaient pas. Par conséquent, si l’on voulait éviter de tuer un innocent et parce qu’il est toujours possible de se tromper dans une affaire judiciaire, il fallait renoncer à une peine irréversible même pour les coupables.
Dieu attend sans se lasser la conversion de tout homme
Ma position a évolué grâce à la découverte, l’expérience et l’approfondissement de la miséricorde de Dieu. La Parole de Dieu m’obligeait : la parabole de la brebis perdue n’est pas un conte pour enfants, ni celle du fils prodigue une histoire de famille qui finit bien. Dieu, celui que nous révèle Jésus Christ, attend sans se lasser, espère une conversion, un retournement, et Il pardonne. Nous, disciples du Christ, devons croire comme lui en un changement toujours possible. L’être humain condamné à mort est-il le même que celui qu’on exécute des années plus tard ? Y a-t-il des crimes qui surpassent le repentir sincère ? A cet égard le livre témoignage « Dans cinq heures, je verrai Dieu » de Jacques Fesch, meurtrier d’un policier, condamné à mort et exécuté à 27 ans, m’a profondément marquée.
Un pas de plus
De fil en aiguille, en m’intéressant au discours des abolitionnistes, je me suis ancrée dans la conviction forte que même sans changement, sans amendement notable du coupable, rien ne justifiait de prendre la vie d’autrui. Aujourd’hui d’autres moyens existent pour empêcher quelqu’un de nuire à la société. La peine de mort porte atteinte à la dignité de la personne et quelle que soit la technique employée, le procédé reste barbare et cruel.
En revanche la réclusion criminelle à perpétuité me paraissait un bon compromis ; la société ne vous met pas à mort mais ce que vous avez fait mérite un châtiment exemplaire. Et voilà que je lis dans un discours du pape François en 2014 que « la prison à perpétuité est une peine de mort cachée* ». Elle ferme la porte à toute tentative de réinsertion donc de conversion. Il me faut faire un pas de plus et reconnaître que la réclusion à perpétuité est un aveu d’échec implicite et un déni d’humanité.
La miséricorde, don de Dieu
Et pourtant, ces dernières semaines, devant les images et les récits terribles qui nous parviennent d’Ukraine, j’ai senti monter en moi, d’un lieu très intérieur que dans la Bible on nommerait « les entrailles », une envie sourde qu’ils paient pour cela. Que ceux qui tuent des enfants, violent et torturent ne restent pas impunis mais plus encore qu’on leur inflige la même souffrance ! Qu’ils connaissent, eux ou leurs familles la même douleur que leurs victimes. Un désir primaire de vengeance allant jusqu’à l’anéantissement des bourreaux n’est pas loin de submerger en moi le souhait légitime de justice internationale.
Alors je comprends que le combat contre la peine de mort est collectif et international mais qu’il commence au plus intime de chacun d’entre nous ; et que la miséricorde est un don de Dieu.
Marianne Cébron, et le Réseau Mondial de Prière du Pape en France
*Discours du Pape François à une délégation de l’Association internationale de droit pénal, II a), 23 octobre 2014.