Une flamme qui rayonne
frère Salah S.
A Alep, en Syrie, la petite communauté chrétienne des Maristes bleus, composée de religieux et de nombreux bénévoles, anime, en temps « normal », des groupes de solidarité. Le Frère Georges Sabé nous offre cette lettre reçue de Salah, un père de famille, musulman. Elle illustre combien la fraternité universelle, au-delà des différences religieuses est le seul chemin vers la paix.
« Pour le Proche Orient, où diverses composantes religieuses partagent le même espace de vie, afin que surgisse un esprit de dialogue, de rencontre et de réconciliation. »
Frère Georges Sabé, Mariste : « La famille de Salah ainsi que 300 autres, toutes musulmanes, recevaient mensuellement un panier alimentaire et d’hygiène. En effet, depuis août 2012 jusqu’en janvier 2018, nous en distribuions à plus de 1000 familles. Comme, il l’explique bien dans son message envoyé à l’occasion de Noël 2018, sa famille est passée par l’épreuve du déplacement, de la maladie et du décès de la Maman. Ses mots touchent notre coeur. Ils représentent un témoignage réel, simple, beau et véridique sur l’importance de cette dynamique à laquelle le Pape François invite tous les croyants. »
« Aux Maristes d’Alep
A l’occasion des fêtes, je voudrais vous souhaiter, à vous et vos familles, un Noël joyeux et béni ainsi qu’une nouvelle année pleine de santé et de joie.
J’aimerais vous exprimer ma gratitude et vous remercier pour tout ce que vous nous avez donné pendant toutes ces dernières années. Vous étiez, et vous êtes toujours, l’exemple de l’amitié sincère et de l’amour des autres. Vous nous avez montré, et à tout le monde, que vous êtes de vrais frères qui ne font pas de distinction concernant la religion ou la confession. Nous sommes fiers de votre amitié et reconnaissants de vivre avec vous sous le même ciel ; sentiments que nous avons hérités de nos pères et de nos ancêtres et que nous lèguerons à nos enfants parce que vous méritez notre respect et notre amour.
Bénie soit votre affiliation, vous les Maristes, à Marie ; car la Vierge Marie a mis au monde le Seigneur de l’Amour et de la Paix, notre Seigneur Issa (NDLR Jésus est appelé Issa chez les musulmans) paix sur lui. Si nous sommes fiers d’avoir fait partie de cette fraternité mariste ces dernières années, nous voulons rester, si Dieu veut, vos frères maristes musulmans. C’est ainsi que nous avons vécu et continuerons à vivre jusqu’à notre mort.
Mes chers frères les Maristes, chaque tragédie a 2 faces. La face sombre de la tragédie syrienne était la guerre, les souffrances et la tristesse. Mais la face lumineuse, c’était vous, vous tous sans exception. Votre comportement, votre compassion et votre sourire nous ont rendu l’espoir et ont amené la joie à nos enfants. Grâce à vous, deux de mes enfants sont maintenant à l’université et les 3 autres suivent le chemin de leurs ainés. Avec amour et humanité, vous étiez à nos côtés pendant la plus grande épreuve que nous avons subie : la maladie grave qui a emporté mon épouse qui, jusqu’ à la fin, vous était reconnaissante surtout au médecin, Dr N. A., si humain et si sage.
Si, comme d’habitude, avec votre modestie, vous dites que toute l’aide fournie et distribuée ne provient pas de chez vous, je vous répondrais, quand même, que l’amour c’est vous, le sourire c’est vous, les bonnes manières c’est vous, le respect des autres c’est vous. Vous avez distribué l’aide, fournie partiellement par d’autres, de la meilleure manière. Vous nous avez appris une merveilleuse leçon : que le don se fait avec le sourire et le respect de l’autre. Nous avons senti que le Seigneur de l’amour, Issa, le Messie, paix sur lui, était, grâce à vous, parmi nous et avec nous dans notre tragédie. Je vous remercie de tout cœur et vous souhaite tout le bien possible. Je demande à Dieu de vous préserver de tout mal et de vous accorder et à vos enfants beaucoup de joie.
Si vous, les Maristes, avez dû arrêter le programme de distribution de paniers alimentaires, je vous assure que vous resterez dans nos cœurs jusqu’à la fin de nos jours et que nous raconterons à nos enfants et petits-enfants votre comportement et votre solidarité avec nous pour que votre souvenir reste éternellement une flamme qui rayonne.
Je vous souhaite à tous un Joyeux Noël et une bonne année. Transmettez mes vœux et mes remerciements à tous vos collaborateurs et vos donateurs en Syrie ou à l’étranger.
J’espère que cette lettre touchera vos cœurs car elle sort du mien. »
Votre frère Salah S.
Alep le 21 décembre 2018