Une goutte d’eau, toute petite, mais qui désaltère
Maëlle, RMPP
Je suis confortablement assise, chez moi, au calme, musique douce ou plus festive, et soudain des visages apparaissent, des visages vus dans les médias, de ces personnes qui errent en France ou au bout du monde, dont les droits sont niés, dont la parole est étouffée, dont la vie est mise à mal, parfois mise à mort.
Oui… Mais qu’y puis-je ?… Cela se passe loin, et je n’ai pas de pouvoir. Pas de pouvoir ? Peut-être, mais j’ai la force de mon cœur, de mon cœur pour aimer, de ma sensibilité et de mon intelligence pour m’indigner, et celle de ma main pour écrire quelques mots. C’est ainsi que j’ai découvert l’Acat¹ qui défend les droits des personnes et combat partout dans le monde les traitements inhumains. Par des actions juridiques et de communication notamment, elle sensibilise les citoyens et interpelle les autorités. Alors, depuis mon fauteuil, je pouvais agir ! Je pouvais écrire ces lettres aux pouvoirs politiques, et ainsi faire un tout petit pas vers ces hommes, ces femmes, ces enfants dont l’existence et la dignité sont niées, les droits élémentaires bafoués. Quelques mots contre les barbelés, ce n’est pas grand-chose, mais ce n’est pas rien. Car les mots, enfilés comme des perles sur le fil de l’indignation et de la justice, font souvent bouger les lignes. Quelle joie de recevoir, après des années bien sûr trop longues, l’annonce de la libération d’un prisonnier.
Qu’est-ce qui m’habite lettre après lettre ? Ce qui me vient en premier, c’est sans doute la joie de ces libérations ; de voir que tous ensemble, à tout petits pas, nous pouvons remuer des montagnes ; joie aussi d’avoir combattu mes propres ‘à quoi bon’, d’avoir essayé de cultiver une certaine fidélité, de me sentir, avec tous les autres, la toute petite main de ce Dieu qui est un Dieu de justice et de paix.
Aujourd’hui, j’ai poursuivi ma route ; j’ai eu envie – le besoin peut-être – de rencontrer ces visages pour qui j’écrivais. Alors j’ai fait le choix de recevoir chez moi, en famille, des personnes qui ont fui leur pays, l’oppression, parfois la prison, pour retrouver ici un peu de dignité, de chaleur humaine bienveillante. C’est dans le cadre de l’association JRS-Welcome² qu’il m’est donné d’accueillir sous mon toit. La rencontre a pris chair. À la table, il s’échange des mots, des sourires, des récits de vie, des silences aussi quand les histoires sont trop lourdes à porter. Je n’oublie cependant pas ceux dont les cris ne parviennent à personne… personne…
Agir ainsi désaltère et me désaltère. Mère Teresa aimait à dire : « … ce que nous accomplissons n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, mais si elle n’y était pas, elle manquerait ».
Maëlle